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LES
ÉVÉNEMENS DU MAROC

Une rumeur de bataille nous arrive du Maroc. Le Sultan est aux prises, entre Fez et Taza, avec des tribus soulevées ; un compétiteur, surgi on ne sait d’où, a bousculé, dans un premier combat, les troupes de Mouley-abd-el-Aziz ; puis l’usurpateur, vaincu à son tour, s’est retiré dans les montagnes où il tient la campagne : voilà ce que nous ont appris les journaux. Mais les nouvelles, écloses dans les profondeurs du Maghreb, nous parviennent déformées, grossies ou atténuées selon les besoins du moment et les intérêts des intermédiaires. Le câble français, inauguré l’année dernière entre Oran et Tanger, rend, il faut le croire, de grands services au gouvernement, mais le public en est à peu près réduit aux informations de source anglaise ; et ce n’est pas seulement pour avoir encouru la disgrâce du Maître que le correspondant du Times, M. Harris, a quitté à franc étrier le camp du Sultan, dès que les événemens ont paru devenir graves ; c’est aussi pour rejoindre, dans sa jolie maison voisine de Tanger, l’extrémité du fil par où il renseigne l’Europe et le monde. A l’heure où, sous les yeux attentifs des grandes puissances, le Maroc traverse une crise dangereuse, qui pourrait servir de prétexte à des interventions étrangères, l’art de présenter, d’habiller les nouvelles est une partie essentielle de la stratégie politique.

Nous n’avons pas, dans ces quelques pages, l’ambition de faire des révélations inattendues sur les événemens qui troublent le Maroc ; nous voudrions seulement, soit en coordonnant les renseignemens connus, soit en utilisant des documens inédits, aider le public français à lire et à comprendre les nouvelles qui lui