Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais en Angleterre, qui sont des conditions très rudes à proposer à une belle-mère. » Enfin, après des tiraillemens infinis, on tomba d’accord sur la princesse de Modène : si Mademoiselle de Kéroualle n’avait pas imposé sa créature, il avait fallu renoncer au choix qu’elle blâmait et obtenir son approbation pour faire une duchesse d’York. Mais, à ce moment, il y avait plusieurs mois déjà que sa situation à la cour d’Angleterre avait pris un caractère officiel et prépondérant : au moment même où Colbert de Croissy s’exaspérait des difficultés qu’elle faisait sur le mariage d’York, il se voyait contraint de servir d’intermédiaire entre les deux monarques pour préparer l’élévation de celle qui était en somme sa rivale.

« Un établissement sérieux, » voilà sans doute ce qu’était venue chercher en Angleterre Mademoiselle de Kéroualle. En possession des faveurs du roi, il s’agissait d’obtenir de lui qu’il en fît une sorte de déclaration publique. La Castlemaine, aujourd’hui dénuée de toute influence, avait été faite duchesse de Cleveland. Mademoiselle de Kéroualle ne saurait se contenter à moins. Dès la fin de 1672, elle chargea Colbert « de demander au roi la permission de se faire naturaliser en Angleterre comme un moyen nécessaire pour pouvoir profiter des dons que le roi d’Angleterre aurait la bonté de lui faire. » Malgré la mauvaise volonté de Colbert, qui négligea pendant plus d’un mois de transmettre sa demande, elle lui fut immédiatement accordée. Le 15 février, Pomponne, qui venait de succéder à Lionne aux Affaires étrangères, expédiait le brevet qui la mettait en état « d’accepter les bienfaits du roi d’Angleterre sans rien perdre des avantages qu’elle peut conserver en France par la naissance. » Les conséquences ne s’en firent pas attendre. Le 25 juillet 1673, l’Angleterre apprenait que Mademoiselle de Kéroualle venait d’être faite duchesse de Portsmouth, baronne de Petersfield et comtesse de Farnham.

Peu de mois après, une autre faveur venait attester que le roi de France, comme le roi d’Angleterre, avait peu de chose à refuser à la nouvelle duchesse. A la mort du duc de Richmond, mari de la belle Stewart, la terre ducale d’Aubigny-sur-Nièvre en Berry, qu’il possédait, venait de faire retour à la France. Charles II, par l’intermédiaire de Colbert, fit prier le roi de France « d’en faire expédier la donation pleine et entière à la duchesse de Portsmouth, en sorte que cette demoiselle puisse non seulement