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du gouvernement français pour les missionnaires que la France leur envoie. Ils ne s’en sont pas fait faute ; et, dociles à leurs inspirations, chrétiens ou musulmans, les adversaires de nos œuvres françaises n’ont même pas attendu pour partir en guerre contre elles que le parlement se soit prononcé sur le sort des congrégations. Déjà, nous avons vu le Patriarcat de Constantinople se servir de nos lois nouvelles pour discréditer nos écoles françaises auprès des populations orthodoxes, annonçant à ses ouailles que ces maîtres venus de France étaient si peu dignes de respect que la France leur interdit tout enseignement chez elle. Déjà, nous avons vu le gouvernement turc tenter de mettre à profit notre politique anti-cléricale pour fermer, lui aussi, à son tour, ou pour frapper de taxes nouvelles nos écoles congréganistes d’Orient. Il a fallu que le gouvernement de la République intervînt, brutalement, pour rappeler à l’ordre le Sultan Calife et pour lui apprendre que ce que la France se permettait chez elle, elle ne souffrirait pas qu’il osât l’imiter chez lui. Et contradiction dont, à notre honte, nous sommes réduits à nous féliciter, mais peu faite en somme pour relever, aux yeux des peuples ou des gouvernemens, la considération de la France et le prestige de notre politique, l’Europe a vu, en 1901, lors de l’occupation par nos cuirassés de l’île de Mytilène, la République exiger de la Turquie la reconnaissance des écoles et le respect des établissemens congréganistes que le gouvernement français interdit ou tracasse en France. Comme il était facile de le prévoir, pour ne pas trahir les intérêts essentiels du pays, la politique anti-cléricale a dû nous placer, aux yeux du monde, en flagrante contradiction avec nous-mêmes. Alors que l’enseignement des Jésuites et de « la Congrégation » est poursuivi chez nous comme contraire aux droits de l’Etat, aussi bien qu’aux droits de la raison et de la morale, nous prétendons contraindre le Sultan à laisser ses États ouverts à la contagion de ces doctrines pernicieuses et à l’empoisonnement des écoles congréganistes. Quelle leçon d’immoralité donnée à l’Orient et au monde par un pays qui se faisait gloire d’être la patrie de la droiture et le chevalier de l’idéal ! Et pourtant, si notre pays veut conserver au dehors notre protectorat catholique, sans revenir chez nous à une attitude plus libérale vis-à-vis des congrégations catholiques, il n’a d’autre ressource que cette grossière et immorale contradiction. Ayant deux politiques, il est réduit à avoir