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donnée par le gouvernement et par la presse au récent pèlerinage conduit en Palestine par le cardinal-archevêque de Milan, sont autant d’enseignemens pour notre diplomatie et, j’ajouterai, pour notre parlement, si ce dernier est encore accessible aux leçons du dehors. Mais la jeune Italie de la maison de Savoie a beau se vanter de laisser aux congrégations et aux religieux de tout ordre une plus large mesure de liberté que la France de M. Waldeck-Rousseau et de M. Combes, cette tolérance et cette liberté demeurent, après tout, précaires, et quand elles ne seraient plus à la merci d’un vote de majorité ou des caprices d’un ministre, elles ne sauraient suffire à gagner à l’Italie nouvelle la faveur ou le pardon du Pontificat suprême. Entre le Vatican et le Quirinal, comme affrontés en leur fatale opposition au sein de la Ville Éternelle laïcisée, il y a trop de souvenirs douloureux, trop d’inévitables causes de froissemens et de conflits, pour que le premier puisse de longtemps se confier au second et lui abandonner la défense de ses intérêts ou de ses droits. Il est déjà loin de nous, le temps où, sous le pontificat de Pie IX, avant la brèche de la Porta Pia, certains patriotes italiens, jaloux de mettre à profit, pour la grandeur de la nouvelle Italie, la fonction universelle du pape et le prestige de la chaire romaine, songeaient à faire du roi de la péninsule unifiée une sorte de vicaire laïque du Souverain Pontife et de gonfalonier du Saint-Siège, dépouillé par lui de son antique royauté terrestre. Pour qu’une telle politique, la plus favorable assurément aux aspirations mégalomanes du génie italien, puisse jamais être autre chose qu’une chimère, ou qu’un anachronisme, il faudrait, d’abord, que les deux puissances rivales, le pape et le roi, aient cessé d’être enfermées dans la même capitale, — ou bien que, avec la conciliation, la subordination se fût faite entre elles, et que l’une fût devenue l’alliée et la cliente de l’autre.

Un second candidat à notre succession, plus impatient encore, est le nouvel Empire allemand dont le remuant souverain, grand maître en impérialisme, a, pour son pays et pour sa maison, toutes les ambitions impériales. Mais, quoique, à certaines heures, Guillaume II ait paru vouloir relever le Saint-Empire, il est demeuré fidèle à Luther ; et, si habile qu’il soit à combiner des rôles divers et à jouer des personnages multiples, l’Empereur aurait sans doute quelque peine à représenter à la