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butte, chez nous, aux préjugés ou aux rancunes de l’anti-cléricalisme, il est ouvertement attaqué ou sourdement miné, en Extrême-Orient comme dans le Levant, par les jalousies et les convoitises de nos rivaux. A l’heure même où il était mis en péril par une loi qui ne le visait point, il était déjà entamé par les ambitions et par les manœuvres de plusieurs puissances étrangères, de façon que c’est au moment où il se trouve ébranlé du dehors que nous avons l’imprudence d’en laisser au dedans saper les bases.

Ce n’est là un secret pour personne ; tous les Français qui se donnent la peine de suivre la nouvelle politique « mondiale » en sont avertis et en demeurent inquiets. La politique coloniale, l’ardeur avec laquelle les puissances européennes se disputent les territoires et les sphères d’influence en Afrique, en Asie, dans le monde entier, poussent le Vatican et la Propagande à une sorte de nationalisation des Missions et des Préfectures apostoliques qui tend, sinon à supprimer notre protectorat, du moins à en diminuer les droits ou à en réduire l’étendue. Ce qui en subsiste est menacé, dans son principe même, par une intrigue, heureusement déjouée jusqu’ici, mais que les fautes de notre politique risquent de faire un jour réussir. Certains de nos rivaux, à l’affût de nos fautes ou de nos inconséquences, ont comploté de nous dépouiller de ce protectorat catholique, à l’aide même des gouvernemens qui l’ont admis ou sanctionné. Pour mieux nous enlever le bénéfice de nos prérogatives anciennes, nos adversaires ont imaginé de pousser, en Orient, comme en Extrême-Orient, la Porte ottomane aussi bien que le Tsong-Li-Yamen, à nouer des relations directes avec le Vatican, afin de s’affranchir de l’intermédiaire des agens diplomatiques français. Ces conseils intéressés ont, à certaines heures, rencontré des partisans auprès du Fils du Ciel comme auprès du Commandeur des Croyans ; ils en gardent encore à Pékin et sur le Bosphore. Rome même a semblé un moment incliner vers cette politique nouvelle. On sait le grand prix que le pape Léon XIII attache, justement, à la présence du corps diplomatique accrédité auprès du Vatican, dernière prérogative souveraine reconnue au Saint-Siège. Ce corps diplomatique, qu’il s’est patiemment appliqué à tenir au complet et à renforcer, le Pape et son secrétaire d’Etat eussent pris plaisir à y voir figurer, au milieu des uniformes européens, le fez rouge d’un représentant