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pas le savoir. S’ils l’étaient, le colonel pouvait appeler l’officier par devers lui et lui donner des conseils qui auraient certainement été entendus. Le commandement sert à cela. Mais qu’a fait le colonel Laffon de Ladébat ? Il a fait l’ordre du jour public dont nous avons déjà parlé, et qui se termine par la phrase suivante : « En même temps, les officiers et les gradés, chacun dans leur sphère, s’attacheront plus que jamais à commander avec fermeté, mais sans vexations et tracasseries inutiles. » En d’autres termes, il a dit tout haut ce qu’il fallait peut-être dire directement et discrètement. En d’autres termes encore, il a donné tort à un officier devant ses hommes, au moment même où ceux-ci, après s’être rendus coupables d’un acte d’indiscipline, étaient traités avec une indulgence qui aurait gagné à se passer de ces commentaires. Le colonel Laffon de Ladébat a parlé comme aurait pu le faire un journal, et peut-être parlait-il, en effet, pour les journaux : mais alors il s’est trompé en le faisant devant les troupes. Il est à désirer que de pareils faits ne se produisent plus.

L’affaire du général Tournier est plus grave. Tout le monde politique connaît le général Tournier, à cause des fonctions délicates qu’il a remplies pendant quelque temps à l’Elysée avec beaucoup de convenance et de tact. Mais, avant tout, il est un soldat, et c’est par l’ensemble de sa carrière militaire qu’il faut le juger. Laborieux, consciencieux, ponctuel, exigeant pour les autres et encore plus pour lui-même, il commandait, à Clermont-Ferrand, le 13e corps d’armée avec distinction et autorité. Aussi quelle n’a pas été la surprise générale, lorsqu’on a appris que, nommé à la tête d’une simple division, il avait été mis en disponibilité sur sa demande ? Nous ne savons pas s’il y a des exemples d’une pareille mesure. Qu’avait donc fait le général Tournier de si coupable ? Rien : il s’était conduit en homme de cœur et d’honneur. C’est du moins ce qui résulte des récits qui ont paru dans tous les journaux, et qui n’ont pas été démentis. Nous répétons qu’une interpellation est pendante devant la Chambre. Si elle modifie les données de l’incident, nous ne manquerons pas de le dire. En attendant, voici les faits : nous les reproduisons sans citer aucun nom propre.

Il y a à Clermont un cercle militaire dont, parait-il, la porte est mal gardée ; tout le monde peut y entrer ou en sortir. Il y a aussi à Clermont des sociétés politiques très ardentes, qui cherchent à pénétrer partout, ce qu’on ne saurait en somme leur reprocher, car elles sont faites pour cela. Comment un affilié d’une de ces sociétés a-t-il déposé sur les tables du Cercle militaire des papiers ou des prospectus