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REVUE LITTÉRAIRE

MADAME DE STAËL ET NAPOLÉON

Ce qui expliquerait, s’il en était besoin, la curiosité passionnée qui nous reporte vers les souvenirs de l’époque napoléonienne, c’est que plus on ramène sur elle notre attention, plus nous nous apercevons combien elle nous réserve de surprises. Sur presque tous les points, il faut substituer l’histoire à la légende ; tel a été l’objet des curieux travaux qui se sont multipliés en ces derniers temps, sans lasser l’intérêt. A son tour, M. Paul Gautier vient de consacrer au différend de Mme de Staël et Napoléon[1] une étude qui jette sur cet épisode un jour tout nouveau. Ce livre, remarquable par l’abondance et la précision de renseignemens, dont beaucoup étaient inédits, l’est aussi bien par l’art de l’exposition. M. Paul Gautier sait conter et il sait peindre. Les portraits qu’il a semés dans le récit, ceux d’un Necker, d’un Fouché, d’un Bernadotte, sont d’une touche juste, fine, spirituelle. La figure de Mme de Staël apparaît en plein relief : voilà bien cet incurable ennui dont elle soutire et qui la jette dans toute sorte d’agitations, cet orgueil, cette personnalité exubérante, ce besoin de tout rapporter à soi, et aussi ce courage, cette énergie, cet amour vrai des idées, cette noblesse d’âme, ce continuel progrès, cette sorte d’ascension vers un idéal supérieur. Le nouvel historien de ce duel fameux a su conserver à la question elle-même toute son ampleur ; en outre, les vues qu’il nous ouvre de plus d’un côté nous aident

  1. Paul Gautier, Mme de Staël et Napoléon, 1 vol. in-8o (Plon). — Cf. Lucie Achard, Rosalie de Constant, sa famille et ses amis, 2 vol. in-12 (Paris, Fischbacher ; Genève, Eggiman).