Le docteur Schaepman vient de mourir à Rome d’une maladie de cœur dont il était atteint depuis de longues années déjà. Avec lui disparaît un des types les plus caractéristiques et en lui s’éteint un des hommes les plus représentatifs de la Hollande contemporaine. Son nom, peu répandu à l’étranger, même en France où il se plaisait et à Paris où il lit de fréquens séjours[1], ne dit que très imparfaitement la place considérable qu’il prit de bonne heure et qu’il tint durant plus d’un quart de siècle dans l’histoire politique et aussi dans l’histoire littéraire de son pays. Prêtre catholique, professeur au séminaire de Rijsenburg, député à la Seconde Chambre des États-Généraux, chef du parti ou d’une fraction importante du parti catholique, le docteur Schaepman était à la fois un grand théologien, un grand orateur, un grand tacticien parlementaire ; et, quoique l’on en discutât, comme c’est le lot de tous ceux qui font preuve de talens très éminens en des genres très divers, il passait en outre pour être un grand poète, l’un des plus grands que les Pays-Bas aient eus depuis Vondel.
Il savait bien que la jeune école souriait de cette réputation qu’une plus vieille lui avait faite, mais il s’en consolait en riant largement des sourires de la jeune école. Il n’en continuait pas moins de marcher, dans sa force, et l’on eût dit que c’était la Hollande même qui marchait. Physiquement et moralement, il en symbolisait, il en traduisait, il en exprimait la solidité simple et saine. De haute taille, un peu pesant ; les cheveux rares, de nuance indécise entre le blond et le roux ; les yeux clairs, sous leurs gros sourcils, ni bleus ni verts derrière les lunettes à branches d’or, couleur d’eau de mer, si j’ose ainsi parler ; le nez puissant, charnu, aux ailes ouvertes et mouvantes ; la
- ↑ Le dernier, pour assister au congrès organisé par M. Étienne Lamy, et y défendre la liberté d’association.