toutes les difficultés qu’a rencontrées notre établissement en Algérie. « Les pays subjugués resteraient aux conquérans, et chacun des alliés aurait des possessions proportionnées aux moyens qu’il aurait fournis à la cause commune. Ces peuples de pirates, ces monstres de la mer seraient changés en hommes par de bonnes lois et des exemples d’humanité. Elevés insensiblement jusqu’à nous par la communication de nos lumières, ils abjureraient avec le temps un fanatisme que l’ignorance et la misère ont nourri dans leurs âmes ; ils se souviendraient toujours avec attendrissement de l’époque mémorable qui nous aurait amenés sur leurs rivages[1]. »
L’Europe, dont l’unité morale avait été brisée par la Réforme et que la politique d’intérêts divisait autant que la variété de « créance, » resta sous le régime honteux de traités qui la faisaient vassale et tributaire de la piraterie ; elle se refusa toujours à une entente pour la destruction des corsaires. La question soulevée au Congrès de Vienne fut écartée par des diplomates qui abolirent la traite des noirs, avant d’avoir songé à réprimer l’esclavage des blancs. Les pirates barbaresques infestaient encore en 1816 les côtes des États de l’Église, de la Sardaigne et du royaume des Deux-Siciles. Lord Exmouth, envoyé pour les châtier une fois de plus, bombardait Alger et donnait encore l’exemple de ces négociations égoïstes qui avaient fait la force des corsaires, en faisant signer au dey un traité dans lequel aucune stipulation n’était inscrite pour la liberté générale des mers. Il fallut la conquête de l’Algérie, pour permettre aux nations chrétiennes de s’affranchir des tributs qu’elles payaient au Maroc et aux régences barbaresques. Mais il serait aussi téméraire de compter sur la reconnaissance de l’Europe pour le service que lui a rendu notre établissement en Algérie, qu’il serait naïf de prétendre à celle des populations indigènes se rappelant avec attendrissement, comme l’aurait voulu l’abbé Raynal, la date de notre débarquement à Sidi Ferruch.
COMTE HENRY DE CASTRIES.
- ↑ Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans l’Afrique septentrionale. » Ouvrage posthume de l’abbé Raynal. Paris, 1826, 2 vol. in-8o.