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Richelieu, qui avait à cœur de détruire la piraterie, avait eu déjà recours à l’intervention de la Porte pour obliger les Barbaresques à cesser leurs courses contre la France ; mais cette intervention, d’ailleurs peu efficace vis-à-vis des corsaires d’Alger, de Tunis et de Tripoli, ne pouvait être employée contre les pirates salétins sur lesquels le sultan de Constantinople n’avait aucune autorité. Le cardinal adhéra donc à l’une des propositions de Razilly qui demandait l’organisation d’une croisière contre les pirates salétins[1]. Le chevalier qui en eut le commandement partit avec quelques vaisseaux ayant pour mission de bloquer le port de Salé, de racheter les captifs chrétiens et de signer un traité avec les habitans de cette ville et avec le roi de Maroc, leur suzerain. Il ne fut pas donné suite à l’autre partie de son projet dont les conséquences eussent été de tout autre importance ; Razilly proposait, en effet, au cardinal d’occuper l’île de Mogador et d’y laisser cent hommes et six pièces de canon ; il voulait y créer à la fois un port de commerce et ce que nous appellerions aujourd’hui un point d’appui de la flotte : « Ce serait, disait-il, avoir un pied dans l’Afrique pour aller s’étendre plus loin. » L’idée de Razilly est d’autant plus digne de remarque que la ville de Mogador n’existait pas encore à l’époque où il écrivait son mémoire, cette ville n’ayant été fondée qu’un siècle et demi plus tard, en 1770, par le sultan Mohammed. La croisière de Razilly et le blocus de Salé amenèrent la conclusion d’un traité, mais furent sans résultat pour la cessation de la piraterie.


VII

Il en fut ainsi de toutes les expéditions entreprises et de tous les traités signés pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle avec l’illusion de détruire les corsaires de Salé. La France prit le plus souvent l’initiative de ces répressions et les Archives de la marine comme celles des Affaires étrangères renferment divers mémoires et projets relatifs à des arméniens contre les Salétins qui témoignent que cette question était une des préoccupations constantes de

  1. Le mémoire de Razilly existe à la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Ms. 2 036 ; il a été imprimé dans la Revue de Géographie, 1886, t. XIX. Le Père Joseph du Tremblay fut l’instigateur de cette expédition à laquelle il adjoignit quatre capucins de la province de Touraine. — Cf. Richard, Histoire du Père Joseph, t. I, p. 323 et Rocco da Cesinale, Storia delle Missioni dei Cappuccini, t. III, Roma, 1873.