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hommes n’avaient pas mangé. On leur distribua de l’eau-de-vie, qui, dans l’état où ils étaient, les acheva.

York, le 29 août, se déclarait impuissant à rien entreprendre. Il résumait la situation de son corps d’armée. Les landwehrs de la brigade de Horn étaient à moitié dissoutes. Celles de la 8e brigade, de la brigade Hünerbein, marchaient pieds nus et fondaient d’heure en heure. Il avait fallu renvoyer celles de la 2e brigade, du prince de Mecklenburg, en arrière pour les réorganiser. La brigade Steinmetz avait dû laisser en arrière un bataillon de landwehr. Gneisenau avait donné l’ordre d’habiller les landwehriens avec les effets des 2 000 prisonniers français qui se trouvaient à Goldberg. Mais l’officier qui conduisait les prisonniers avait reculé devant cette inhumanité et refusé de les dépouiller sans un ordre de Blücher. Le même jour encore, le 29, York écrivait de Leisersdorf à Blücher : « J’ai le regret de vous faire savoir qu’en raison du mauvais temps et de l’habillement extraordinairement défectueux de la landwehr, les landwehrs, celles de la brigade du prince de Mecklenburg surtout, commencent à se dissoudre. Soit par épuisement, soit par mauvaise volonté, les hommes restent par centaines en arrière, et, comme nous n’avons pas de moyens d’action sur les derrières, ils peuvent ou se disperser ou rentrer chez eux. »

Lorsqu’on fit le compte des effectifs, on trouva que le 1er septembre, après une campagne de dix-huit jours, le corps prussien de York était tombé de 38 221 combattans à 25 296. Les landwehrs surtout étaient terriblement réduites. Sur 13 369 hommes il n’en restait plus que 6 277. Plus de la moitié de l’effectif, 7 092 hommes avaient disparu. Les bataillons de ligne avaient moins perdu. Il leur manquait un quart de l’effectif, 4 040 hommes sur 16 747.

L’état-major silésien, dans l’enthousiasme communicatif du succès, célébrait l’ardeur des troupes prussiennes, et glorifiait la vigueur de leur patriotisme. Hiller écrivait, le soir de la Katzbach, que les troupes prussiennes, dans leurs souffrances sans nom, conservaient le meilleur moral. Elles donnaient cours, en composant des chants grossiers, à leur haine contre les Français. Le 29 au soir, Gneisenau, après avoir décrit les souffrances des troupes, entonnait un chant d’allégresse. « Le soldat supporte toutes ces misères sans murmurer, même avec gaieté. Vive le roi ! Son trône est fondé à nouveau et nous laisserons à nos enfans l’indépendance nationale. »