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Le premier exploit de leur marine a consisté, après avoir capturé quelques vaisseaux vénézuéliens, à les couler purement et simplement. A Washington et à Londres, aussi bien d’ailleurs que dans le reste du monde, un pareil acte a paru inutilement brutal, à supposer même qu’il fût conforme au droit des gens, ce qui est douteux, et le gouvernement anglais a tenu à faire savoir que les Allemands en avaient pris seuls la responsabilité. Nous devons reconnaître que le gouvernement allemand lui-même a estimé que le fait méritait explication : l’officier qui l’a commis a été rappelé. Il est malheureusement mort en route, de sorte qu’on ne saura jamais la vérité. S’il s’est suicidé, comme le bruit en a couru, on peut en induire qu’il avait outrepassé ses instructions ; mais les circonstances de sa mort n’ont pas été éclaircies.

Le blocus a continué. Il a été sévèrement maintenu et pratiqué, non sans dommage pour le commerce international. Néanmoins, la situation était correcte ; personne ne pouvait s’en plaindre ; on pouvait seulement exprimer le souhait qu’elle prit fin le plus tôt possible. C’est ce qu’a fait le président Castro : il lui semblait qu’ayant accepté le principe de l’arbitrage, il avait quelque droit de demander la levée du blocus. Les puissances alliées ne l’ont pas entendu ainsi, et nous ne les en blâmons pas : elles ont réclamé des gages plus sérieux, plus substantiels, que l’acceptation théorique de l’arbitrage ou des négociations qui devaient le préparer. Toutefois, au point où on en était, il n’y avait plus lieu à des faits de guerre proprement dits. Aussi l’émotion a-t-elle été vive en Amérique et en Angleterre, sans parler de l’étonnement qu’on a éprouvé partout ailleurs, lorsqu’on a appris qu’un vaisseau allemand, la Panther, bombardait le fort de San Carlos. Ce fort est situé sur une petite île qui commande le chenal entre la mer et la ville de Maracaïbo. Que s’était-il passé ? On dit et le fait n’a rien d’invraisemblable, que la Panther a voulu poursuivre la petite chaloupe vénézuélienne Miranda dans la lagune de Maracaïbo ; ou encore, et c’est la version officielle du gouvernement allemand, que l’occupation de cette lagune était indispensable pour empêcher les communications entre le Venezuela et la Colombie. Mais il fallait, pour cela, passer devant le fort de San Carlos. L’officier allemand qui commande la Panther prétend que le fort a tiré le premier sur lui ; les Vénézuéliens disent, au contraire, que c’est le navire allemand qui a ouvert le feu : encore un point qui reste obscur. Ce qui donne à croire que la Panther n’avait pas l’intention d’attaquer le fort, c’est que ce vaisseau était insuffisamment armé pour le faire, qu’il a