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L’élection du reste du bureau allait de soi. Aussitôt après, la Chambre est entrée avec un louable empressement dans la discussion du budget.

La discussion générale a été remarquable : M. Paul Deschanel et M. Ribot y ont prononcé des discours dont l’effet a été très grand. Un peu de curiosité s’attachait d’avance à celui de M. Deschanel, qui, président de la Chambre pendant toute la dernière législature, avait dû longtemps se taire et avait pu se recueillir. Il opérait vraiment une rentrée : on se demandait ce qu’il dirait. Il a fait preuve des mêmes qualités brillantes que les Chambres antérieures avaient connues et applaudies, et a repris tout de suite sa place parmi les premiers orateurs de l’assemblée. Il a montré que la classification des partis, et des hommes dans ces partis, était aujourd’hui tout arbitraire, et tenait aux circonstances qui, depuis quelques années, ont jeté tant de trouble dans les esprits et ailleurs. Cette démonstration a été singulièrement confirmée, quelques jours après, par la confession publique, faite par M. Combes, de ses dissentimens avec la majorité. Pourquoi, aurait pu demander M. Deschanel s’il avait su déjà à quoi s’en tenir à ce sujet, pourquoi M. Combes est-il le chef d’une majorité avec laquelle il est en désaccord sur le plus important de tous les points ? Personne n’est plus à sa place ; tout le monde continue de vivre sur un malentendu qui commence à peine à s’éclaircir. Mais la partie essentielle du discours de M. Deschanel est celle qui s’appliquait à M. Jaurès et au socialisme. M. Deschanel a usé avec une cruauté d’ailleurs légitime de la lettre de l’orateur socialiste à laquelle nous avons fait allusion plus haut, pour faire sentir à la Chambre la faute qu’elle avait commise en portant au fauteuil de la vice-présidence l’homme qui l’avait écrite. Il y a eu dans sa parole, sous la correction de la forme, quelque chose d’énergique et de vibrant dont la Chambre a été remuée. C’est pourquoi son discours a paru avant tout être un acte : il s’était placé résolument entre les socialistes et la majorité, afin de les séparer. Inutile de dire que le lendemain, et depuis, il a été de la part de la presse socialiste l’objet des plus violens anathèmes ; mais nous pensons qu’il ne s’en tourmente guère et qu’il n’a fait que ce qu’il avait voulu faire.

Un pareil discours appelait une réponse. M. Jaurès, qui n’assistait pas à la séance, n’a pas pu la faire tout de suite. Toutefois la Chambre n’y a rien perdu. Elle a entendu d’abord un discours de M. Ribot, un des meilleurs certainement et des plus complets qu’il ait prononcés, discours qu’il est difficile d’analyser parce qu’il touche en passant à tous les sujets, financiers et politiques, et qu’il est, avec une grande