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plus pour que l’État respecte, à côté de lui, la liberté d’un autre enseignement que le sien. Nous ne demandons pas autre chose que cette liberté : et qui donc la refuse ? C’est M. Combes. Il la supprime avec les congrégations qui l’exercent. Après son dernier discours, on ne saurait trop s’étonner de ce défaut de logique. Au début de la session, il a répondu à des interpellateurs qui lui demandaient ce qu’il comptait faire relativement aux établissemens non autorisés, des congrégations qui l’étaient elles-mêmes, ou qui avaient demandé à l’être : il a expliqué qu’il autoriserait à titre provisoire ces établissemens là où il n’y avait pas encore une école communale suffisante, mais qu’il les dissoudrait ailleurs. N’était-ce pas professer, comme M. Buisson, que les écoles laïques suffisaient à tous les besoins moraux dès qu’elles suffisaient à tous les besoins matériels ? Moins de quinze jours après, M. Combes disait le contraire : il tenait sur l’insuffisance morale des écoles laïques un langage que nous n’aurions pas tenu nous-mêmes. Sans doute il veut maintenir l’enseignement religieux dans l’Église ; c’est là seulement qu’il le juge à sa place : mais M. Buisson est bien fort contre lui lorsqu’il vient dire que le meilleur moyen d’inculquer à l’enfant l’inutilité de la religion est de ne pas lui en dire un mot à l’école. M. Buisson est logique ; M. Combes ne l’est pas. Sans prendre parti ni pour l’un ni pour l’autre, nous nous contentons de demander la liberté, et de dire que c’est elle qui est nécessaire. Elle l’est d’autant plus que l’esprit de secte prévaut plus impérieusement du côté où auraient dû être la tolérance et l’impartialité.

Nous ne savons pas encore quelles seront pour M. Combes les conséquences de ce que ses amis les plus indulgens appellent son incartade. Quelques-uns essaient timidement de le défendre, en prétextant qu’on l’a mal compris ; mais d’autres le jettent résolument par-dessus bord. Le charme est rompu entre sa majorité et lui ; une fissure s’est faite dans le « bloc. » M. le président du Conseil n’est d’ailleurs pas le seul qui se soit mis dans un mauvais cas. M. le ministre de la Guerre est en train, lui aussi, de perdre les bonnes grâces de l’extrême gauche. Qui l’aurait cru ? Il avait si bien commencé ! Il avait donné tant de satisfactions aux radicaux socialistes ! Il s’était si bien mis, au Sénat, à la remorque de M. Rolland pour organiser le service de deux ans ! Mais le pli originel persiste toujours chez les hommes : un moment est arrivé où le général André s’est rappelé qu’il était soldat. Pendant ses vacances, il a écrit une lettre au président de la commission sénatoriale de l’armée pour faire des réserves