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phagocytes qui, s’attaquant aux cellules nerveuses, désorganiseraient ces élémens nobles devenus incapables de se défendre Cette substitution du tissu conjonctif au tissu nerveux qu’il semble étouffer est un fait très réel : il constitue ce que l’on nomme la sclérose sénile. Mais le rôle actif que lui attribue M. Metchnikoff dans le processus de la dégénérescence n’est pas aussi certain. Un observateur spécialisé dans l’étude microscopique du système nerveux, M. Marinesco n’accepte pas cette interprétation, en ce qui concerne la sénescence des élémens du cerveau. Le rapetissement de la cellule, la diminution du nombre de ses granulations colorables, la chromatolyse, la formation de substances inertes pigmentées tous ces phénomènes qui caractérisent la déchéance des cellules cérébrales, s’accompliraient, suivant cet observateur, en dehors de l’intervention des élémens conjonctifs phagocytes.

La sénescence ni la mort ne sont des phénomènes instantanés, ni universels. Malgré les apparences contraires, on ne meurt pas d’un coup. La mort est un processus : elle commence, en général, quelque part et s’étend plus ou moins vite. Dans un organisme qui meurt, il y a côte à côte des cadavres et des vivans cellulaires. De même dans un organisme qui vieillit, il y a des élémens séniles. Tant que leur désorganisation n’est pas poussée trop loin, ils peuvent être rajeunis. Il suffit de leur rendre un milieu ambiant approprié. Le tout est de bien connaître et de pouvoir réaliser, pour telle ou telle partie que l’on veut ranimer et rajeunir, les conditions très spéciales ou très délicates que doit remplir ce milieu. C’est, comme nous l’avons dit, ce à quoi on a réussi, en ce qui concerne le cœur, par exemple. Grâce à la connaissance de ces conditions, un physiologiste russe Kuliabko a réalisé cette expérience, que l’on eût regardée comme un miracle, il y a seulement quelques années, de faire fonctionner et battre, avec la même régularité que pendant la vie, le cœur d’un jeune homme mort depuis plus de dix heures.


A. DASTRE.