racine, qui étend son ombre sur toute la terre et aux rameaux duquel sont suspendus rois, comtes et princes[1]. Il consacre une longue pièce à combattre les perfidies et les manèges de l’amour, contre lesquels il veut nous mettre en garde : l’amour y est successivement comparé à l’étincelle qui couve dans la suie, à la cavale qui entraîne les étalons jusqu’au sommet d’une montagne escarpée, au chat dont la langue lèche âprement, à l’enchanteur qui transforme les sages en fous, et à bien d’autres choses encore[2].
Parfois, du milieu des énigmes, émergent, on le voit, une pensée forte, une image frappante qui décèlent un tempérament de poète. Mais il faut un talent singulièrement souple et fort pour ne pas s’empêtrer dans ces oripeaux. Malheur à ceux qui en manquent ! Ce fut le cas de Peire d’Auvergne, le plus célèbre des imitateurs de Marcabrun. Tant que ses œuvres ont été incomplètement et insuffisamment publiées, on a pu croire qu’il y avait quelque chose au fond de ces arcanes ; depuis l’édition toute récente de M. Zenker, l’illusion n’est plus possible. Cette édition a été préparée avec tout le soin et la science dont les savans allemands sont coutumiers ; le texte, sauf les améliorations de détail que les critiques pourront y apporter, restera sensiblement ce qu’il est : or dans ces dix-neuf pièces, travaillées avec tant de soin, c’est à peine s’il y a quelques strophes bien venues, et elles se trouvent précisément dans celles où l’auteur a renoncé à faire montre de tout son art. Fauriel avait loué jadis la « hardiesse orientale » de ses métaphores, « qu’on serait tenté de croire échappées au génie arabe. » Il faut décidément en rabattre : des trois ou quatre que nous sommes à peu près assurés de comprendre, il n’y en a pas une qui soit à la fois juste et pittoresque.
On n’ose pas être tout à fait aussi sévère pour Rambaut d’Orange, dont nous n’avons pas encore d’édition lisible. Il faudra s’y résigner sans doute quand cette édition existera. Ce n’est plus par la bizarrerie des images ou de la langue que Rambaut cherche à nous éblouir, mais par le miroitement des rimes et la complication des rythmes : il faudrait, pour en donner une idée, accumuler ici les plus rebutantes formules algébriques. Rimes « dérivatives, » mots formant refrain et revenant à des