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duc de Wellington est autrichien ; il préfère les fourberies du prince Metternich à la loyauté de l’empereur Nicolas. A la bonne heure, nous sommes en position de ne point nous en inquiéter. »

Elle s’en inquiétait cependant, et son animosité contre Wellington, loin de désarmer, alla sans cesse en augmentant. On la vit revêtir les formes les plus diverses, se manifester non seulement à propos des événemens d’Orient et de la guerre turco-russe, mais encore à propos des incidens touchant la politique intérieure de l’Angleterre, et des difficultueuses questions qu’eut à résoudre le chef du cabinet pendant la durée de son gouvernement. Même après qu’eut été signée, en 1829, la paix entre la Russie et la Sublime Porte, même quand Wellington eut quitté le pouvoir, Mme de Liéven ne désarma pas. Elle ne pardonnait pas à son ancien ami d’avoir contrecarré la politique et les vues de l’empereur Nicolas. Lorsqu’en 1827, elle se déclare si résolument contre lui, elle ne recule devant aucune extrémité pour rendre mortels les coups qu’elle lui porte : elle s’allie à l’opposition parlementaire comme à celle des journaux ; elle excite contre le cabinet les passions, les amours-propres, les rivalités ; elle flatte les adversaires du ministre ; elle essaye de détacher de lui ses amis, de jeter la division dans le parti qui le soutient ; elle sort en un mot de la réserve que lui impose sa situation diplomatique. L’activité de son ressentiment n’est égalée que par sa perfidie féminine. « Elle a agi avec la plus grande impertinence, écrira Charles Gréville au mois de juin de l’année suivante, faisant usage de son crédit auprès du Roi afin de desservir le ministère et Wellington. Son antipathie pour celui-ci va toujours grandissant depuis qu’ils se sont brouillés lors de l’arrivée de Canning aux affaires, alors qu’elle avait été fort malhonnête pour le duc afin de se concilier le nouveau ministre dans l’intérêt de sa cour, qu’elle a fort bien servie en cette circonstance, à ce que me dit Esterhazy. »

Il faut renoncer à citer ici en entier toutes les lettres où s’exercent la verve et les instincts combatifs de l’ambassadrice. (1 suffira d’ailleurs de quelques extraits pour en marquer la vivacité : « Le duc de Wellington a été forcé de se faire libéral comme Sganarelle s’est fait médecin dans la comédie de Molière. La Chambre basse n’entend plus les maximes obscurantes. Dans tout ce qui regarde l’intérieur, les mesures de gouvernement