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des hommages qu’on lui prodiguait. Les appréciations politiques font donc totalement défaut dans toute la partie de sa correspondance qui a été écrite antérieurement aux derniers mois de 1818. C’est seulement à partir de cette date, lorsque venait de prendre fin le Congrès d’Aix-la-Chapelle, où elle avait accompagné l’ambassadeur, que se montre dans Mme de Liéven, quoique bien timidement encore, une femme nouvelle ; et qu’elle se hasarde sur un domaine dont l’exploration ne semble pas l’avoir précédemment tentée.

Quels motifs ont déterminé la tardive métamorphose qu’elle commence à subir à trente-quatre ans et pan-suite de quelles influences va-t-elle se modifier peu à peu ? Est-ce le spectacle de tant de conducteurs de peuples, réunis à Aix-la-Chapelle, qui lui a révélé qu’elle peut goûter, en les fréquentant, des jouissances inattendues, et inspiré le goût passionné des choses de la diplomatie, l’impérieux besoin de s’y mêler, d’y jouer sa partie, et de devenir une Égérie constamment au service de qui voudra la consulter ? Est-ce l’action personnelle du plus illustre de ces hommes d’Etat, le prince de Metternich, qui s’est exercée sur son esprit comme la grâce captivante de ce haut personnage s’est exercée sur son cœur ? C’est à Aix-la-Chapelle qu’elle l’a rencontré pour la première fois ; c’est là que s’est formée entre eux la chaîne d’amour, fragile et fleurie, dont quelques lettres sans signature constituent l’unique, mais décisif témoignage, et qui, trois ans plus tard, surprise à Vérone par Chateaubriand, lui a suggéré des réflexions aussi malveillantes qu’injustes ; c’est là, enfin, qu’elle a aimé ou tout au moins qu’elle a cru aimer pour toujours.

Les détails nous manquent de ce suggestif roman, sinon les preuves. Nous en savons assez cependant pour supposer qu’à Metternich est due la métamorphose dont, en dehors de lui, il paraît impossible de reconstituer les origines, et, encore qu’il convienne de glisser sur un épisode dont les voiles mystérieux n’ont été qu’à demi déchirés, on ne saurait passer sous silence que c’est à son retour d’Aix-la-Chapelle qu’on voit Mme de Liéven mêler aux informations dont sa correspondance est coutumière de brèves appréciations sur les événemens et sur les, hommes, révélatrices d’un état dame nouveau.

Après avoir résidé à Aix-la-Chapelle, pendant la durée du Congrès, passé quinze jours à Bruxelles, un mois à Paris, elle