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UNE VIE D’AMBASSADRICE
AU SIÈCLE DERNIER

II[1]
Á LA COUR D’ANGLETERRE


I

Au mois de mai 1812, l’empereur Napoléon était à Dresde. Sous prétexte d’y tenir de solennelles assises et de recevoir l’hommage et le serment des rois[2], il avait voulu se rapprocher de la Russie. Au milieu des fêtes qui signalaient sa présence en Saxe, il se préparait à attaquer Alexandre, tout en feignant, bien qu’il fût résolu à la guerre, de n’avoir pas renoncé à la conjurer. Le tsar n’y était pas moins résolu que lui. Mais il entendait qu’elle se fît en deçà des frontières de son empire ; il espérait attirer là son redoutable rival et lui creuser un tombeau. A la faveur de négociations où personne n’apportait ni sincérité ni bonne foi, chacun des deux adversaires se flattait de dissimuler à l’autre ses dispositions personnelles et ses secrets desseins. Il en résultait par toute l’Europe un état d’incertitude et de trouble dont, les lettres de Mme de Liéven nous révèlent maints symptômes.

Rentrée de Berlin à la fin de 1811, elle était encore à Saint-Pétersbourg au printemps suivant. Elle s’impatientait de ne

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1903.
  2. Albert Vandal, Napoléon et Alexandre Ier.