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Chambre prenne connaissance des faits d’une manière aussi indirecte. » A une très grande majorité, les représentans refusèrent d’entendre la lecture. Puis, comme s’ils tenaient pour nulle la communication qu’avait faite Regnaud au nom de l’Empereur, ils passèrent à la discussion sur la façon dont on interrogerait les ministres.

Presque au même moment, entre une heure et demie et deux heures, Carnot faisait la même communication à la Chambre des pairs qui venait d’entrer en séance. La déclaration impériale, lue par ce ministre, d’une voix mal assurée, troubla profondément l’assemblée. On ne savait quel accueil y faire. Nul ne demandait la parole et chacun parlait à son voisin. Il y eut comme une tacite suspension de séance. C’est au milieu de cet effarement que le message de la Chambre des représentans fut remis au président Cambacérès. Il invita Thibaudeau, l’un des secrétaires, à en donner lecture. Après un instant d’hésitation qui se traduisit par un silence assez long, la Chambre des pairs se sentit soudain ranimée. Elle s’était faite le satellite de la Chambre élective ; celle-ci la tirait d’embarras en lui marquant le parti à prendre. « La Chambre des représentans, s’écria Thibaudeau, donne un bel exemple. Nous devons nous empresser de partager ses sentimens et de les manifester. » « La résolution de la Chambre, dit Quinette, doit être appuyée et consolidée par une résolution semblable de la Chambre des pairs. » Pontécoulant et Boissy d’Anglas parlèrent dans le même sens. Lavalette, Rovigo, Sieyès, Drouot, d’autres encore étaient atterrés, mais ils n’étaient pas hommes de tribune. Seul le général de Valence eut le courage de prendre la parole. Pour parer à un vote par entraînement, il demanda le renvoi à une commission. Bien qu’appuyée à deux reprises par Carnot, cette proposition fut repoussée après une véhémente réplique de Boissy d’Anglas. Cambacérès, sentant que la situation devenait grave, s’était retiré sous prétexte de se rendre à l’Elysée. Le vice-président Lacépède, qui avait pris le fauteuil, mit les articles aux voix. Sur l’article II, déclarant traître à la patrie, quiconque tenterait de dissoudre les Chambres, Pontécoulant crut devoir motiver son vote ou plutôt en accentuer la signification. « Cette disposition, dit-il, est une dérogation formelle à l’Acte constitutionnel, mais je la vote sciemment et veux en encourir toute la responsabilité. » Pour la troisième fois, Valence demanda le renvoi à une commission,