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« Vous m’arrêterez telle rue, tel numéro. — Et à quel étage, madame ? » Il convient que chaque omnibus aille directement d’un point terminus à l’autre, par le plus court chemin, sans aucune inflexion.

Tous les écarts, tous les crochets sont du temps perdu pour le voyageur, et aussi pour la Compagnie, qui le promène à ses frais, inutilement. La moitié des omnibus actuels font l’école buissonnière, comme soucieux de se montrer dans un plus grand nombre de rues ; ils zigzaguent en quête de bureaux, où ils s’amassent, se gênent, s’attendent et s’éternisent. On gagnerait près du tiers de la durée du trajet, en supprimant à la fois ces arrêts et les détours qu’ils motivent. La Compagnie économiserait en outre une bonne part des deux millions que lui coûtent la solde de ses contrôleurs et la location de ses bureaux, qui ne servent nullement à abriter les voyageurs, puisque ceux-ci se tiennent généralement sur le trottoir.

Elle pourrait à son choix supprimer, comme elle le projette aujourd’hui, ses « correspondances, » — Londres et Berlin n’en ont pas, — ou les maintenir en les simplifiant, sur le modèle de plusieurs villes étrangères : à New-York, on délivre indéfiniment la correspondance à tout voyageur qui la désire, et, comme les « cars » marchent nuit et jour, sans interruption, un gentleman moyennant les 25 centimes du prix initial de sa place, peut, comme le Juif Errant, marcher gratis jusqu’à sa mort, à la condition de descendre à certains coins de rues pour changer de « car » et de ne pas s’éloigner.

A Paris, l’usage, l’octroi, la comptabilité de ces tickets, qui coûtent 113 000 francs à établir, sont traités avec une bureaucratie savante, d’abord entre le public et les compagnies, puis entre les compagnies elles-mêmes. Omnibus, Tramways-Nord et Sud additionnent chacun ceux qu’ils ont reçus et se les repassent, les premiers pour 16 centimes, les seconds pour 14 centimes ; échange qui procure aux omnibus un bénéfice de 150 000 francs. Un quart environ des voyageurs d’intérieur usent de la correspondance, qui, pour eux seuls, est gratuite. Ceux de l’impériale, représentant à peu près 50 pour 100 de la clientèle, n’ont guère d’avantage à la payer. De sorte que sa suppression ou son maintien n’offre d’intérêt que pour un huitième seulement du total des personnes transportées.

La Compagnie avait remarqué que, sur les 40 millions de