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ce dernier détourne peu ou prou du sac qui lui est confié pour sa bête ; il achèterait plutôt de sa poche un supplément d’avoine pour obtenir un surcroît de travail.

La traction mécanique qui s’est substituée, dans les rues de Paris, à la traction animale, pour les omnibus et les tramways, devait naturellement tenter, surtout depuis l’invention des automobiles, la grande entreprise des voitures de place. Il était logique de penser qu’elle amènerait la même augmentation de trafic, en permettant d’abaisser le prix des transports. « Les fiacres-automobiles ne marcheront pas, disaient les adversaires du projet ; ils seront constamment détraqués et en réparation ; les accidens seront plus nombreux. » — « Ils ne le seront pas davantage, répliquaient les partisans du progrès. Les accidens ont d’ailleurs augmenté, avec les chevaux, depuis que la rapidité des voitures a été accélérée, pour répondre aux exigences du public. Rien ne sera plus maniable qu’un automobile qui occupe moins de terrain que la voiture attelée. Jusque vers le milieu du siècle dernier, des hommes graves ne purent se décider à prendre les chemins de fer au sérieux ; et, malgré les objections élevées au début contre les bicyclettes et les tramways à vapeur, leur développement a été constant. »

Il serait trop facile et passablement injuste de reprocher à la Compagnie des petites voitures d’avoir tenté une expérience qui lui coûta, sans succès, 4 millions et demi. Mais l’échec n’est pas irrémédiable ; le fiacre électrique, bien accueilli, avait bien fonctionné ; son entretien seulement était trop cher. Il fallait un accumulateur donnant, sans relais, un parcours de 100 kilomètres ; il ne s’en trouva pas qui en fissent plus de 60. Les promesses des constructeurs ne furent pas tenues et, faute de dynamos capables d’électriser les moteurs à prix fixe, on continue d’électriser les chevaux à coups de fouet.


III

On espérait que l’énergie des accumulateurs reviendrait à meilleur marché que celle de l’avoine, pour compenser la différence entre les frais de fabrication d’un landaulet automobile et l’achat des trois chevaux, mylord et coupé, qui constituent « le fiacre, » marchant nuit et jour en toute saison.

« Achat » est un mot impropre ; les voitures naissent dans