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aux importations. Presque chaque année, le trafic transsaharien aboutissant aux ports tripolitains va en décroissant. Comment en serait-il autrement d’un mouvement d’échanges qui s’opèrent à plus de 2 000 kilomètres de distance, à travers le plus redoutable des déserts ? Jamais pareil commerce ne pourra prendre un grand développement, quand même la sécurité viendrait à régner dans tous les pays que traversent les caravanes. Des voyages qui durent de dix-huit mois à deux ans ne peuvent être accomplis que par un nombre restreint d’individus. La voie de Tripoli au Tchad, par Mourzouk et Bilma, n’est guère fréquentée chaque année, selon le lieutenant-colonel Monteil, qui l’a parcourue, que par deux caravanes. La route de Rhadamès est plus sûre ; les Azdjer du Tassili et les Kel-Oui de l’Aïr, moyennant une taxe fixe, dirigent et protègent les caravanes ; les Kel-Oui vont les chercher en janvier à Kano ou à Zinder, où ils possèdent un village, et les conduisent jusqu’à Bir-Assiou, entre Rhât et l’Aïr, où les Azdjer viennent les prendre pour les mener jusqu’à Rhadamès. Malgré ces conditions relativement favorables, l’importance du trafic par Rhât et Rhadamès est très restreinte ; comme tous ceux du Sahara et du Soudan septentrional, ces deux marchés sont en décadence.

Le commerce transsaharien de Tripoli est, dirions-nous volontiers, plus pittoresque que productif. Le départ ou l’arrivée d’une caravane, le déballage des marchandises, le chargement des chameaux sont des incidens qui saisissent l’attention des voyageurs ; mais, si un pareil trafic peut enrichir des traitans maures ou juifs, des convoyeurs touareg, gens qui se contentent de peu et qui ont l’habitude séculaire de ce genre d’affaires, il ne saurait suffire à attirer sur le pays des convoitises étrangères. Des plumes, dont la valeur a baissé depuis que les autrucheries du Cap font concurrence aux articles du Soudan, un peu d’ivoire, quelques kilogrammes de paillettes d’or, des cornes de gazelles, des gommes, des peaux brutes, un peu de natron, d’encens, de myrrhe, voilà à peu près tout ce qu’apportent les caravanes ; au départ, elles emportent des cotonnades, des armes, de la poudre, du sel, des objets fabriqués, tout cela en faibles quantités.

La ruine de ce trafic transsaharien tient à une cause générale, l’occupation, par les puissances chrétiennes, de toutes les côtes de l’Afrique du Nord et de tout le pourtour, du grand