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entrées de grottes blanches aux voûtes de stalactites. Mais ce sont des grottes d’une régularité géométriquement absolue ; la moindre dentelure de leurs pendentifs, la moindre facette de leurs arceaux compliqués, est d’une exactitude rigoureuse, — et toujours lisérée d’un mince filet noir que l’on croirait tracé avec la pointe d’un pinceau, mais qui est une très habile incrustation d’onyx.

Ces salles de splendeur triste n’ont aucune clôture ; elles communiquent entre elles, ou bien s’ouvrent sur les terrasses par des arcades, — et cela donne une menteuse indication de confiance, si l’on oublie de quelle façon jalouse on était gardé ici jadis par les terribles ouvrages d’en dessous. Il y a même une esplanade pour donner des audiences, tenir des conseils en plein air ; elle est d’une simplicité raffinée, avec seulement, des ciselures parfaites dans les marbres ; presque rien, là ; un trône de marbre noir pour le Grand Mogol ; à côté, un escabeau de marbre blanc pour le bouffon, et c’est tout. (En ces temps-là, paraît-il, les assemblées politiques avaient un tel sérieux que la présence d’un bouffon, chargé de détendre les esprits, s’était imposée. Chacun sait que, dans les assemblées de nos jours, il n’a pas paru nécessaire de spécialiser un personnage pour cet emploi.)

La salle pour les bains de l’Empereur, est blanche, il va sans dire, neigeusement blanche dans son inextricable complication de lignes, d’arceaux entre-croisés, d’ogives à mille brisures ; les voûtes sonores, taillées à facettes, ont l’air toutes givrées de lait glacé ; et, sur le marbre des murailles, on a jeté de sveltes branches de fleurs, dont la moindre est une merveille, une mosaïque d’or et de lapis.

Sur le bord extrême des remparts qui supportent tout l’édifice, du côté de la Iummah et des grandes plaines libres, quantité de petites salles pour prendre le frais, quantité de petits kiosques légers et dominateurs, étaient destinés aux sultanes, à toutes les belles mystérieuses de cette cour. C’est dans cette région du palais que l’ajourage des marbres, l’ajourage en dentelle, arrive à ses effets les plus surprenans. À travers toutes les parois, on peut voir sans être vu ; les grandes plaques qui les composent, d’un seul morceau du haut en bas, sont tellement fouillées à jour que, de loin, on dirait des stores de broderie blanche, tendus entre les minces colonnes charmantes. Mais toutes ces constructions, qui jouent le fragile et l’éphémère, ont une rigidité absolue et représentent ce que les hommes savent créer de