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Le troisième acte est encore un acte en musique ; on y chante et on y danse à la cantonade ; on s’y promène. On y apporte des accessoires de cotillon ; cela occupe. Pourtant au milieu de ce papillotante et du babillage des invités, une scène significative ; c’est le premier bal de Madeleine ; Freydières reproche à la jeune fille son succès, sa gaîté, son décolletage. Il en est jaloux, donc il l’aime. Une autre minute nous donne encore à réfléchir : Madeleine surprend un bout de dialogue chuchoté à demi-voix ; on désigne Freydières comme étant l’amant de sa mère ; elle s’évanouit. A vrai dire, cela ne suffirait pas à prouver qu’elle aime cet amant : quand elle entend mal parler de sa mère, s’évanouir est le moins que puisse faire une jeune fille bien élevée. Mais nous ne demandons qu’à profiter de la moindre indication que l’auteur consent à laisser échapper. Madeleine s’évanouit, donc elle aime Freydières. A l’acte suivant, nous apprenons que Madeleine est malade depuis quinze jours, et que les médecins y perdent leur latin. Or sa mère feuillette le cahier d’impressions de la jeune fille. Elle y lit en toutes lettres que Madeleine aime Freydières. Enfin la situation est posée ! Enfin la pièce commence ! Et nous sommes au milieu du dernier acte.

C’est assez dire que le drame sera escamoté. Surprises, aveux, résolutions in extremis, tout cela va se succéder en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. L’auteur a trop flâné en route pour ne pas être obligé maintenant de courir la poste. Il nous mène grand train ; et nous avons beau lui crier que son histoire est sur le point de nous intéresser, coûte que coûte il faut brusquer les choses, brûler les étapes et tourner au plus court.

Notez qu’au moment où nous sommes arrivés, nous sommes à peu près aussi peu renseignés qu’au début sur les trois personnages entre qui va se jouer cette partie rapide comme l’éclair. Freydières c’est Freydières tout bonnement, le beau Freydières si l’on veut, un monsieur au hasard. Madeleine est une jeune fille qui rêvasse dans sa chambre et se donne l’illusion d’avoir une vie sentimentale en griffonnant des choses sur un cahier fermant à clé ; elle éprouve auprès d’un bellâtre qui lui offre des bonbons un émoi qu’elle prend pour de l’amour ; cela n’a rien de très particulier, ni qui la différencie de toutes les autres jeunes filles. Pour ce qui est de Claire, dont l’auteur a fait le principal personnage, est-elle plutôt femme ou plutôt mère ? Nous n’en savons rien encore : l’un et l’autre est possible. Si elle est plutôt femme, et soucieuse avant tout de conserver son amant, elle va donc prendre sa fille en grippe, et, après qu’un petit séjour dans le