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On assure, depuis la Carmélite, que M. Reynaldo Hahn n’est pas un musicien de théâtre ; on a peut-être raison. Mais on avait tort, même avant la Carmélite, de l’appeler seulement un musicien de salon. Il fut quelquefois davantage.

Un débutant, presque un élève, M. Muratore, ne parut pas ridicule dans le rôle de Louis XIV, qu’il a chanté d’une voix distinguée, agréable même, mais froide et même triste aussi.

Quant à Mme Calvé, chacune de ses notes, isolément, est pour l’oreille un pur délice. Je goûte un peu moins son style ou, comme on disait naguère, son « phrasé. » Son talent, d’ailleurs, sa nature et sa personne sont assez exactement le contraire de ce que demandait son personnage.

Il est superflu, quand on parle de l’Opéra-Comique, de célébrer l’éclat et l’éclairage du spectacle. Ce théâtre est celui de l’audition colorée. Ici le plaisir de voir s’ajoute quelquefois à celui d’entendre et d’autres fois il y supplée.


En lisant Paillasse, — avec répugnance, — nous avions espéré que l’entendre, le voir, nous frapperait davantage. Le coup n’a pas même eu la force brutale que nous attendions. Dans l’ordre de la musique voyante ou de l’imagerie sonore où la jeune Italie paraît se complaire, l’œuvre de M. Leoncavallo ne vaut pas la Cavalleria rusticana de M. Mascagni.

L’un et l’autre ouvrage ont pour sujet un fait-divers sanglant. Paillasse est l’histoire (« arrivée, » paraît-il, au pays du musicien) d’un bateleur trahi par sa femme et qui, jouant avec elle une scène analogue, poignarde à la fin, — pour de bon, — et la femme et l’amant. Ainsi l’œuvre est deux fois théâtrale et le drame véritable s’y ajoute au drame simulé. Drame d’action, de fait encore une fois, et c’est en musique surtout qu’il n’y a « rien de plus méprisable qu’un fait. « La musique réserve ou doit réserver pour le sentiment toute son estime et tout son amour. A l’action pourtant, extérieure et violente, la musique, extérieure aussi, de Cavalleria donnait plus de violence encore. Elle redoublait au moins certains effets que dans Paillasse, au contraire, elle n’a pas accrus. Le second acte n’est pas même dramatique. En musique ou par la musique il n’a rien d’émouvant, encore moins de terrible. Il ne marche, il ne vit pas ; si peu qu’il dure, il paraît long, vide, et la vigueur du poing, ou de la « patte, » ne supplée pas ici à l’inhabileté de la main.

Et puis, et surtout, il y avait un peu plus de musique dans la