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n’étaient-ils pas tout pénétrés d’humanisme ? C’étaient des humanistes que les écoliers de Navarre ou de Montaigu, et c’en étaient pareillement qu’on formait dans les collèges des Jésuites, à Port-Royal ou chez les Oratoriens. Nos écrivains classiques n’étaient-ils pas des humanistes à n’en craindre pas un ? Et, puisque c’est de poésie qu’il est question, tout récemment encore les Parnassiens ne pratiquaient-ils pas l’humanisme, sans d’ailleurs prétendre qu’ils l’eussent inventé ? Mais si, depuis tantôt trois cent cinquante années, l’humanisme est le principe sur lequel repose la culture de l’esprit français, et celui même qu’on retrouve dans les temps modernes à la base de toute notre littérature, par quel artifice peut-on venir aujourd’hui nous le révéler ? Que signifie cet étonnement de novateurs émerveillés par leur propre audace ? Ceux que le paquebot, en 1903, débarque en Amérique auraient autant de droits à se croire des Christophe Colomb. Au fait, humanisme et Amérique, c’est à peu près vers le même temps qu’on a commencé d’en parler dans le monde.

Toutefois, il n’est que de s’instruire : faisons donc l’historique de la découverte. Les lecteurs du Figaro en ont eu la primeur. Ils apprirent un matin que des terres nouvelles étaient en vue à l’horizon poétique. Un jeune poète, dont nous avons eu l’occasion de louer ici les vers, M. Fernand Gregh faisait l’office de vigie. Il constatait que le symbolisme est aujourd’hui à l’état d’épave : on est las de son jeu d’énigmes, de ses obscurités et de ses mièvreries. Le décor d’urnes, de cyprès et de roseaux cher aux poètes d’hier est allé rejoindre au dépôt des accessoires les émaux parnassiens et les nacelles romantiques. Une école ayant cessé de plaire, le besoin se faisait sentir d’en inaugurer une autre. Le symbolisme est mort, vive l’humanisme ! L’article de M. Gregh était débordant d’enthousiasme et tel qu’on pouvait l’attendre d’un poète lyrique. Il sonnait la marche en avant. Il ralliait toute la jeunesse littéraire. C’était la fanfare joyeuse dans l’aube matinale. On partait en guerre... Quelques jours s’étaient à peine écoulés, on put voir le critique littéraire du Temps monter au Capitole afin de célébrer une victoire due à dix années de luttes et qu’il n’espérait tout de même pas si rapide. « Je me réjouis d’entendre un poète, un artiste exprimer ainsi le sentiment et la pensée de toute une génération, » écrivait-il, après avoir cité quelques passages de la déclaration de M. Gregh. « Je suis heureux de voir cette belle doctrine de l’humanisme refleurir et fructifier en moisson de vérité et de beauté, par les soins et sous le charme d’une jeunesse hardiment rénovatrice. Le lecteur ami reconnaîtra aisément dans ce