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25 novembre. — On a encore assassiné cette nuit. L’inspecteur de la dette publique ottomane a été pillé par des bandits. On a tiré sur lui pendant qu’il déménageait en hâte une caisse de timbres-poste.

Nous tenons à sortir, à nous promener, pour montrer que nous n’avons plus d’inquiétude. Maurice le veut. Il prétend que nous sommes tenus de donner l’exemple. J’obéis. Quand je suis seule, cela va encore, mais quand j’ai bébé... Ce matin, des Arméniens m’ont arrêtée dans la rue, pour me dire insolemment qu’ils ont appris l’arrivée prochaine de troupes anglaises sur la côte. Pour eux, c’est la seule nation d’Europe qui soit brave et forte. Parler ainsi, des gens qui se sont réfugiés chez nous !

Le cadi a déclaré que les musulmans ont violé la loi du Prophète en massacrant et en pillant. Il traite les coupables de kafirs. On lui rend l’épithète.

26 novembre. — Cela va recommencer. Certains mettent de grands écriteaux : cette maison appartient à un musulman. Très significatif !

— Elle ferait bien de se presser, l’armée anglaise ! dit Maurice ; en attendant, je vais aller dire deux mots au vali, deux mots qui vaudront bien comme effet les jaquettes rouges...

Et, de fait, cette alerte n’a aucune suite. Toutes les nuits, il y a des patrouilles de la troupe. Maurice a renvoyé sa garde. Il n’a conservé qu’un soldat, un bon garçon, que bébé a pris en amitié, qui scie le bois, et que, lorsqu’elle est occupée ailleurs, Lucie charge de préparer... la panade

29 novembre. — Sur la place du Konak, à deux pas du général de division, en plein jour, trois Arméniens ont été assassinés. Il n’y a pas eu d’arrestations.

30 novembre — Enfin, des journaux français nous arrivent,