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vie, de s’occuper avec passion de cette question, pour laquelle il fit de grands sacrifices. Non seulement il mit en construction plusieurs appareils, mais l’établissement de ses grands ballons à vapeur n’avait pour but que l’étude des données expérimentales nécessaires à la pratique de la direction mécanique des aérostats.

Les succès réalisés depuis sa mort, par différens inventeurs, ont prouvé que Giffard avait vu juste, au point de vue théorique. En effet, il est établi, par des preuves incontestables, qu’un ballon mécanisé peut se déplacer avec une vitesse très appréciable, et, quand le vent n’est point trop fort, il obéit parfaitement à la main du pilote. De nouvelles évolutions, plus sûres, plus élégantes, plus rapides, ne mettront en évidence aucun fait nouveau. Les expériences de 1901 ne sont que la confirmation de ce qui avait été établi en 1852. Cependant, malgré sa grande fortune, le peu de cas qu’il faisait de l’argent, son assiduité au travail, Giffard n’a donné aucune suite aux projets qu’il avait étudiés pendant une vingtaine d’années et auxquels il avait sacrifié plusieurs millions. Il a même fini par se désintéresser systématiquement des occupations qui avaient passionné sa jeunesse.

La raison de cette abstention est simple, et il me l’a confiée à différentes reprises. En traçant ses plans d’exécution, il avait découvert à tous ses projets des vices rédhibitoires. Il n’avait pas trouvé le moyen de se passer d’un ballonnet, dont il ne voulait entendre parler à aucun prix. En effet, il ne pouvait supporter l’idée que la vie des voyageurs aériens fût compromise, si le ressort d’une soupape de dégagement ne jouait pas ou ne livrait pas au gaz un débit suffisant.

De plus, il n’avait jamais cru les ballons susceptibles d’offrir une grande sécurité, et il ne les croyait utilisables qu’à la guerre. Il était persuadé qu’on ne s’en servirait jamais pour les voyages d’agrément, à cause des dangers que présente leur usage et qu’il connaissait fort bien par expérience. Il savait également que l’on n’irait jamais les chercher pour faire du commerce, à cause de la faiblesse du poids que peut transporter le navire aérien le plus considérable dont on puisse sérieusement proposer la construction.

De nos jours, l’application principale qu’il voyait aux ballons automobiles se trouve bien compromise par suite de la résolution de la Conférence de La Haye qui a interdit leur emploi