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Il serait fâcheux que la navigation aérienne artistique, scientifique et sportive fût sacrifiée chez nous à une spécialité dont les exploits offrent l’intérêt d’un drame, mais dont les succès ne sont, il faut bien le dire, que problématiques et ne sauraient avoir, en tous cas, qu’une importance pratique moindre que le public ne le pense.

C’est l’attrait de la difficulté vaincue qui en fait le principal charme. J’admire trop le courage à terre pour lui refuser le tribut de mes éloges dans les airs. Loin de moi l’intention de diminuer le mérite des inventeurs qui s’exposent aux plus grands périls, dans le noble dessein de réaliser la conquête de l’air. Je ne suis pas de ceux qui voudraient qu’on limitât le droit au sacrifice épique. Je crois, comme le Comité scientifique de l’Aéro-Club, présidé par le prince Roland Bonaparte, et comme la Société française de navigation aérienne, que la seule mesure de prudence qui s’impose est d’inviter les inventeurs de ballons automobiles à faire leurs exercices préliminaires au-dessus de plaines ou de pièces d’eau dans lesquelles leur chute ne peut être fatale qu’à eux-mêmes. Mais, en même temps, il est indispensable de donner un avis utile à ces esprits ardens. Il faut leur faire comprendre que le ballon-bouée qu’ils dédaignent n’a point dit son dernier mot ; car, le jour, peut-être prochain, où la science de la prévision scientifique du temps sera fondée, ce jour-là, les aéronautes n’auront plus besoin de lutter contre les vents, qui deviendront leurs amis, leurs serviteurs, et les transporteront sûrement dans les régions lointaines. Or, c’est uniquement par l’usage scientifique de ce flotteur si commode, si délicat, que ce résultat capital sera obtenu d’une façon sûre.


III

Les premiers inventeurs de ballons ne se faisaient qu’une idée extraordinairement imparfaite de la puissance des forces qui règnent dans l’atmosphère. Ils croyaient que l’on pouvait lutter contre le vent en employant intelligemment le bras des hommes. Giffard fut le premier qui eut l’audace de recourir à la vapeur. Comme le célèbre ingénieur avait obtenu quelques résultats positifs, il croyait forcément à la direction des ballons. Il ne cessa jamais, excepté dans les deux dernières années de sa