Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Instruit aujourd’hui par les nombreuses expériences dont j’ai lu le récit et par la descente que j’ai exécutée, il y a une quinzaine d’années, dans la baie de Portsmouth, profitant en outre des évolutions auxquelles je me suis livré avec un guide-rope au-dessus de la forêt de Fontainebleau pour montrer au malheureux Strindherg la nature des précautions que devait prendre le chef de l’expédition polaire, je serais maintenant moins timide.

Armé d’une simple corde traînante, d’un cône-ancre, d’un bout de vergue et d’un morceau de toile à voile, je ne chercherais point à traverser l’Atlantique ; mais il me semble que je saurais profiter du vent régnant pour atteindre une île providentielle, sur la Baltique, le golfe du Mexique ou la Méditerranée ; je suis persuadé que je parviendrais à débarquer sur une côte amie, que j’atteindrais au moins le sillage de quelque steamer qui ne me refuserait certainement pas l’hospitalité à son bord.

Les spectacles qui se déroulent devant l’œil étonné du voyageur aérien sont d’une nature si sublime et si attrayante que son esprit cesse, malgré lui, de s’intéresser à ce qui se passe à la surface de la terre, au-dessus de laquelle il plane, poussé par une force invisible.

Les ascensions aérostatiques permettent de se livrer à ce qu’on peut appeler la chasse aux idées ; c’est là que l’on rencontre les plus brillantes inspirations. Pourquoi, quelque grand qu’il ait été déjà, Victor Hugo n’a-t-il point écouté les conseils des aéronautes qui voulaient l’entraîner dans le ciel ? Il serait certainement descendu de l’aérostat qui aurait eu la gloire de lui donner le baptême de l’air, enrichi de pensées que son fertile cerveau n’avait pas encore conçues, il aurait entendu des harmonies qui ne paraissent pas destinées à une oreille humaine.. Matériellement on ne s’approche pas de Dieu, car la distance à laquelle on arrive en s’écartant de la terre est insignifiante. Et pourtant le monde aérien semble l’antichambre du monde éternel ! N’est-ce point là qu’on apprend à bien vivre et, par conséquent, à bien mourir ?

Par suite de la diminution de la pression de l’air que l’on respire, un sang plus impétueux coule dans les veines du touriste, la tension artérielle augmente, une partie du sérum est éliminée par la respiration cutanée, dont l’activité augmente ; en tout cas, le nombre spécifique des globules rouges devient