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Sur le sol carrelé des salles surannées
L’arrosoir balancé ferait un frais dessin ;
La pêche à l’espalier mûrirait comme un sein ;
Et moi je sentirais s’alourdir les années,
Comme à la branche pend la grappe d’un essaim.

Ma fenêtre ouvrirait sur la pelouse herbeuse
Pour écouter le bruit des faulx dans la chaleur ;
Ainsi je pourrai mieux, toi si chère à mon cœur.
Tout en rangeant les fruits dans la faïence creuse,
Entendre que tu viens remplacer le faucheur.

Or, ayant préparé sur la table abondante
Auprès des flacons clairs le lumineux raisin
Et les rayons de miel, et le lait, et le pain,
Je t’attendrai dans la demeure où, prévoyante,
J’aurai tout disposé pour la soif et la faim.

Et je pourrai te dire : « Entre, ô toi, bienvenue,
Qui viens avec le soir et la sombre fraîcheur ;
si chère, ô si douce ! et qui m’as fait si peur !
Tu le vois, tout est prêt, et je suis pâle et nue,
Tu pourras me faucher comme une grande fleur.

Je suis lasse. Prends-moi pour les noires paresses
De l’ombre étroite et longue et du repos sans fin.
Mais, ô toi que jamais nul n’attendit en vain,
Il faut que de longs jours dans ma maison tu laisses
Mon enfant radieux, près des fruits et du vin ! »


L’AUTOMNE


I


C’est toi, Septembre, ami des rêves et des ombres.
Qui reviens alanguir mon cœur toujours plus las ;
Et, parmi la douceur de tes soirs déjà sombres,
L’automne aux talons d’or assourdira ses pas.