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toujours supérieurs aux intérêts d’un homme. » Il conclut, en proposant cette délibération captieuse : « La Chambre passe à l’ordre du jour motivé : 1° Sur ce que Napoléon II est devenu Empereur des Français par le fait de l’abdication de Napoléon Ier et par la force des Constitutions de l’Empire ; 2° Sur ce que les deux Chambres ont voulu et entendu, par leur arrêté à la date d’hier, portant nomination d’une Commission de gouvernement, assurer à la nation la garantie dont elle a besoin pour sa liberté et son repos, au moyen d’une administration qui ait toute la confiance du peuple. »

Cet équivoque ordre du jour, qui en donnant une satisfaction apparente aux bonapartistes maintenait le pouvoir dans la main de Fouché et laissait toute espérance aux orléanistes comme aux bourbonistes, fut voté à la presque-unanimité. Les bonapartistes crièrent plusieurs fois : Vive l’Empereur ! Furent-ils dupes de leur illusoire triomphe, ou feignirent-ils de l’être ?

Ainsi qu’il l’avait concerté avec Fouché, Manuel avait fait proclamer Napoléon II pour la forme et provisoirement. Il s’était révélé comme un virtuose de l’escamotage.


VII

« Tout s’est très bien passé, » dit triomphalement Regnaud en venant annoncer à l’Empereur le vote de la Chambre. Napoléon voyait trop clair dans le jeu des hommes pour se faire la moindre illusion sur cet ordre du jour. Mais la sanction donnée par les représentans à la clause de son abdication en faveur du Prince impérial sauvait son amour-propre. C’était tout ce qu’il voulait, car, dans l’état des choses, aggravé par l’état des esprits, c’était tout ce que sa souveraine raison lui permettait de vouloir. Il écouta Regnaud d’un air indifférent, et, le récit achevé, il demanda brusquement à quoi s’occupaient les représentans. « — Au projet de Constitution, sire. » « — Toujours le Bas-Empire, dit l’Empereur. Ils délibèrent, les malheureux ! quand l’ennemi est aux portes. »

Déjà Napoléon avait arrêté le lieu de sa retraite. Son premier dessein, auquel il trouvait une grandeur digne de lui, était de se confier à l’hospitalité du peuple anglais. Mais les prières de la princesse Hortense, les conseils de Bassano, les représentations de Flahaut, qu’il ne fallait pas croire à la foi britannique,