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des affaires les consolait de revoir à Paris les Prussiens et les Cosaques. Le 21 juin, à la nouvelle terrible de la défaite, la rente avait monté de 2 francs ; le 22 juin, à l’annonce de l’abdication, elle monta de 4 fr. 50. Cette hausse injurieuse et cependant logique indigna les patriotes : ils en accusèrent les royalistes bien qu’elle fût surtout l’œuvre des agioteurs. « Croirais-tu, lit-on dans une lettre écrite ce soir-là, que les rentes sont augmentées de francs ! On dit qu’elles vont toujours aller en hausse. C’est la canaille de royalistes qui achète parce qu’elle compte revoir son exécrable roi en croupe sur un cosaque, comme le représente la caricature, et écrasant les cadavres des défenseurs de la patrie. »


V

Carnot et Fouché comptaient l’un et l’autre sur la présidence de la Commission de gouvernement. Mais si Carnot regardait cette présidence comme une charge que son devoir lui imposait d’accepter dans l’intérêt public, Fouché la désirait ardemment pour la réussite de ses intrigues et le triomphe de ses ambitions. Convoqués d’abord par Carnot au ministère de l’Intérieur, puis par Fouché aux Tuileries, les membres de la commission se réunirent aux Tuileries, le 23 juin à onze heures du matin. Fouché, qui n’était jamais embarrassé, dit à Carnot : « — Il faut élire un président, je vous donne ma voix. — Et moi, la mienne, » répondit Carnot, pensant que cette parole de pure courtoisie n’influerait pas sur le vote de ses collègues. Mais le vote eut lieu par surprise. Avant même qu’on se fût assis, le général Grenier dit : « Messieurs, il faut nous constituer promptement. Je propose de nommer président M. le duc d’Otrante. » Caulaincourt et Quinette inclinèrent la tête en signe d’adhésion. La majorité s’étant exprimée, Carnot crut inutile de voter. Fouché ne vota point davantage, mais sans perdre un instant il s’installa au fauteuil. S’était-il concerté avec Grenier ? c’est possible. Peut-être aussi Grenier agit-il de sa propre initiative, entraîné par le sentiment général, pensant, comme à peu près tout le monde dans le parlement, que Fouché était l’homme des circonstances, l’homme nécessaire, l’homme indispensable.

Dans cette première séance, on se borna à pourvoir aux vacances que l’élection de Fouché, de Carnot et de Caulaincourt,