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Quand, à deux heures, Fouché, Caulaincourt, Decrès et Regnaud entrèrent dans la salle des séances, chacun connaissait l’objet de leur mission. Lanjuinais, craignant que la lecture de l’acte d’abdication ne provoquât des manifestations injurieuses à l’Empereur, rappela l’article du règlement qui interdisait toute marque d’approbation ou d’improbation. Après cette précaution oratoire, il fut lui-même la pièce que lui avait remise Fouché. Cette lecture s’acheva dans le plus froid silence. Aussitôt, Fouché monta à la tribune pour demander la nomination immédiate de cinq commissaires chargés de négocier avec les puissances alliées. Il crut devoir ajouter quelques phrases à effet sur les sentimens que devaient inspirer le malheur et la grandeur d’âme de l’Empereur. Celle pitié du crocodile n’émut pas la Chambre.

On émit plusieurs projets de résolution. Dupin proposa que la Chambre se déclarât Assemblée nationale et qu’il fût nommé une commission exécutive, de cinq membres, dont trois élus par les députés et deux par les pairs, qui exercerait provisoirement le pouvoir avec les ministres actuels ; il serait élu, en outre, une autre commission chargée de préparer une nouvelle Constitution et les conditions auxquelles le trône pourrait être occupé par le prince que le peuple aurait choisi. Scipion Mourgues appuya la motion de Dupin en ce qui regardait l’élection d’une commission exécutive de cinq membres, mais il voulait que la Chambre se fît Assemblée constituante, déclarât le trône vacant jusqu’à l’émission du vœu du peuple, et, enfin, nommât le maréchal Macdonald généralissime. Macdonald, qui avait accompagné Louis XVIII jusqu’à la frontière et qui avait refusé de prendre un commandement pendant les Cent-Jours, passait pour royaliste. Son nom prononcé dans cette Chambre, dont la majorité était ardemment anti-bourbonienne, fit l’effet d’une pierre qui tombe dans une mare à grenouilles. La voix de Mourgues fut couverte par les murmures, les protestations, les cris : « L’ordre du jour ! » Malgré les efforts de Lanjuinais, l’ex-conventionnel Garraud lut, au milieu des applaudissemens du plus grand nombre et des réclamations de quelques-uns, l’article 67 de l’Acte additionnel portant que les Chambres, même en cas d’extinction de la dynastie impériale, n’auraient jamais le droit de proposer le l’établissement des Bourbons.

Nul, cependant, n’avait parlé de proclamer Napoléon II. Bien