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à l’intérieur, à la suite de l’invasion. Le 4 septembre, l’Empire cessait d’exister. On a peine à s’imaginer à quel point Cochin se multiplia pendant le siège de Paris. On le voit tour à tour faire son service actif comme garde national, avec son plus jeune fils, et se rendre aux remparts par 21 degrés de froid ; recueillir, comme ambulancier, les blessés sur le champ de bataille, sous le feu de l’ennemi ; s’occuper des pauvres, provoquer des libéralités en leur faveur, créer avec l’argent recueilli des fourneaux économiques, des réfectoires populaires, et, au milieu de tant de devoirs remplis, trouver encore le secret de réconforter le moral des assiégés, soit par la parole publique, soit par des articles de journaux. Il garde toute sa confiance, malgré les angoisses qu’il éprouvait comme père de famille, — car il était sans nouvelles de son fils, — et aussi malgré le déchirement que lui causait le bombardement de Paris. Cette œuvre de destruction, s’abattant sur une ville qu’il aimait comme une personne, lui causait une douleur inexprimable. Paris était pour lui, il l’a dit, une créature vivante, ayant un sens, une histoire ; il aimait les tours de Notre-Dame comme le paysan aime le clocher de son village. Lui-même s’étonnait « que l’on pût sentir au cœur quelque chose de semblable pour un amas de pierres. » Il avait applaudi à l’immense effort tenté pour prolonger la résistance, remplacer les armées prisonnières par des armées nouvelles, recruter des soldats de toutes parts et faire face à l’ennemi. Plus tard, il s’est demandé si l’audacieuse entreprise de Gambetta, qui a singulièrement contribué à sauver l’honneur du pays devant l’Europe, n’aurait pas pu, à défaut de la victoire devenue impossible, avoir pour objet de rendre moins dures les conditions de la paix. Elle permettait de traiter debout, quand Paris résistait au delà de toute prévision, quand les armées nouvelles se formaient, quand on pouvait encore faire du mal à l’ennemi. Bien des faits donnent à penser qu’il se présenta, dans le cours du mois de décembre, une heure où l’ennemi lui-même était las, où l’on aurait pu éviter de se rendre à merci et conclure peut-être une paix moins désastreuse.

Cochin, qui partagea toutes les illusions du peuple de Paris sur l’efficacité de sa résistance, fut atteint en plein cœur par la capitulation. La guerre civile, avec ses horreurs, vint bientôt mettre le comble à sa douleur. Malgré les menaces de la Commune, il s’obstinait à demeurer à Paris. « Cependant, a écrit