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tendresse et son profond respect, et qu’il laissait, avec une absolue confiance, entre ses mains la tutelle de ses trois enfans, leur recommandant d’aimer, d’écouter, de respecter, toute leur vie, la sainte et intelligente mère qu’ils tenaient de la bonté de Dieu. »

On peut apprendre de Cochin comment se fonde un foyer chrétien, tout ce qui s’y rencontre de charme, de pureté, de paix ; comment des enfans se gouvernent par la confiance, par l’honneur, par le sentiment du devoir. Aucun intérieur n’était mieux ordonné que le sien. Levé de grand matin, nous dit son biographe, il appelait le premier tout le monde au travail ; il disait la prière en commun avec sa famille, entendait une lecture spirituelle habituellement empruntée à Bossuet, faisait souvent cette lecture lui-même et la commentait. Après les premiers instans donnés à Dieu et à sa famille, il n’appartenait plus qu’à ses fonctions et à ses devoirs. C’est le comte de Falloux, si au courant des moindres détails de cette existence, qui rapporte le fait. On sait la place que M. de Falloux a tenue dans la vie et les affections de Cochin, et combien lui et le comte de Melun contribuèrent à donner tout leur essor à ses merveilleuses facultés. Cochin méritait de telles amitiés, il méritait le privilège dont il a joui d’être étroitement lié, non seulement avec plusieurs des hommes les plus remarquables de son temps, mais avec quelques-unes des plus belles âmes qui aient jamais existé : Lacordaire, Ozanam, Montalembert, Dupanloup, Albert de Broglie, Gratry, Perreyve...

Ozanam était pour lui le type du chrétien du XIXe siècle, au premier rang des maîtres de la littérature nationale par ses écrits, au premier rang des bienfaiteurs de l’humanité par sa charité et par l’œuvre qu’il avait fondée. L’amitié de Montalembert avait éclairé sa route comme une gerbe lumineuse, et l’avait réchauffé pour tout le reste de sa vie ; c’était l’homme en qui les arts, le patriotisme, la puissance, l’amour, l’histoire lui étaient apparus marqués du sceau de la croix. Mgr Dupanloup représentait à ses yeux l’apôtre que le souci de la vérité et de la justice tient toujours en éveil, d’une ardeur que rien ne lasse pour conquérir les âmes et pour les défendre. Il admirait dans Albert de Broglie une hauteur, une puissance de pensée, une noblesse de caractère auxquelles s’alliaient une simplicité, une bonté trop peu connues. Comment n’eût-il pas été séduit par le