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Les occasions n’ont pas manqué à Cochin de professer en public les principes et les conclusions de ses doctrines, en matière d’assistance. Il l’a fait notamment, avec beaucoup d’éclat, au Congrès de bienfaisance tenu à Londres, en 1862, sous la présidence du vénérable lord Shaftesbury. Son programme a été souvent formulé depuis : aider avant tous ceux qui s’aident ; s’attacher à distinguer les divers élémens dont se compose la foule des misérables, afin d’appliquer à chacun le remède qui convient ; se garder avec soin de tout ce qui pourrait encourager les familles à déserter les devoirs qui leur incombent, à se décharger sur l’Etat de leurs enfans, de leurs malades, de leurs vieillards ; distribuer les secours autant que possible dans la famille même, dont le lien ne se relâche que trop ; développer dans la plus large mesure possible l’emploi des moyens préventifs, la moralité, l’instruction, l’épargne, les assurances ; empêcher les familles de tomber dans la misère héréditaire. Il précisait avec beaucoup de netteté le rôle, la mission des deux assistances publique et privée, estimant que le rôle principal de la première est de parer aux défaillances de la seconde, mais que l’action vraiment efficace, féconde, reste l’apanage de celle-ci ; que l’assistance privée doit être secondée, stimulée, subventionnée par l’État ; que l’Etat cependant garde son droit de surveillance, et qu’il a pour mission directe de créer, d’entretenir certains établissemens ayant un caractère d’utilité générale, comme ceux qui sont, par exemple, destinés aux aliénés ou bien aux aveugles. On retrouve ici encore l’aversion de Cochin pour les monopoles, pour un monopole surtout capable de fermer toutes les issues par où la charité privée tenterait de se faire jour ; sa crainte des empiétemens de l’Etat, des confiscations, de la bureaucratie coûteuse et stérile, de la charité purement légale ; on y retrouve, disons-le, sa confiance dans la liberté et l’initiative privée.

Mais les misères dont le spectacle frappait ses yeux n’étaient pas les seules à l’émouvoir, à le porter vers l’action. Si lointaine qu’elle fût, la plainte de la souffrance humaine arrivait à son oreille ; il semblait qu’il fût toujours aux écoutes, prêt à vibrer au cri de toute créature opprimée. Ainsi, la plaie de l’esclavage faisait saigner son cœur. Il s’étonnait qu’elle pût subsister encore et s’indignait en particulier de rencontrer un tel fléau dans la grande République américaine, pour laquelle il