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jours, au point de vue de l’installation matérielle, au point de vue de l’hygiène, leur sollicitude est précieuse ; qu’il n’est pas indifférent d’avoir ou de n’avoir pas des ateliers inondés d’air et de lumière, avec tout un ensemble de facilités, de conditions spéciales, qui sauvegardent mieux la vie de famille, rendent l’existence plus commode, plus saine, plus gaie. Il eût déploré de voir l’action du patron étouffée entre le syndicat et l’intervention de l’État, toujours persuadé que, dans l’intérêt de l’ouvrier, le but pratique à poursuivre est de combiner, par une alliance féconde, le principe de l’association avec le patronage librement offert et librement accepté. Avec tous les esprits sensés, Cochin admettait que l’État garde ici une mission à remplir ; que son intervention est légitime, nécessaire, quand il s’agit de préserver l’ouvrier des abus du régime industriel, de défendre sa santé, de protéger la faiblesse de la femme et de l’enfant contre la cupidité, contre l’inhumanité de certains patrons, oublieux de leurs devoirs. Tout n’est pas dit, évidemment, quand on a prêché à l’ouvrier la résignation, le courage pour supporter la misère et les inégalités sociales, ni quand on a fait appel à l’esprit de justice, à l’intelligence pratique des patrons. Il y a des mesures qui doivent être placées sous la sauvegarde des pouvoirs publics ; une législation protectrice à édicter, à maintenir, à compléter. Cochin accordait même, — c’est le duc de Broglie qui en a fait la remarque — « qu’en forçant les heureux de ce monde, ne fût-ce que par intérêt bien entendu, à songer un peu plus à ceux qui souffrent à côté d’eux, et un peu moins à leurs propres jouissances, la démocratie obtient parfois de leur égoïsme ce que l’Évangile réclame vainement de leur conscience. »

Mais, en dehors de sa mission de protection et d’encouragement, l’intervention de l’État rencontrait en lui un adversaire résolu. Il s’élevait avec force contre la tendance qui porte de plus en plus à faire appel à la contrainte sous toutes les formes, à changer toutes les obligations morales en obligations légales. Il s’élevait contre la proclamation de ces prétendus droits, comme il les appelait : droit au travail, à la pension de retraite, qui n’engendrent que des fainéans ; et il les envisageait comme devant, dans l’avenir, tuer l’initiative, détruire tous les ressorts qui font un pays riche et prospère et, partant, une classe ouvrière aisée. A la question des retraites ouvrières, en particulier, il ne voyait de solution que dans la liberté, dans le concours