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Enfin, dans l’embranchement des Rayonnés, les comatules et les étoiles de mer, astérides et ophiures, se mutilent avec la plus grande facilité. W. Preyer, après Lütken, a étudié le détail de ces curieux phénomènes, à la station zoologique de Naples. Il a vu les bras se détacher par groupes de trois et de quatre. Et comme ces fragmens continuent de vivre après leur séparation et qu’ils reconstituent le type, la mutilation devient ici un procédé de diffusion de l’espèce ; c’est l’autotomie reproductrice. Le bras détaché peut lui-même se subdiviser en fragmens secondaires. C’est chez les comatules que le phénomène est poussé à son comble. Si l’on excite par l’électricité le disque central d’un de ces gracieux rayonnes qui ressemblent plus ou moins exactement à des tulipes de mer, tous les bras se détachent et chacun d’eux, sous la même excitation, se divise et se fragmente. Il semble que ce soit une association qui se dissout. Et, de fait, ces rayonnés sont des sortes de colonies formées par la réunion d’un assez grand nombre d’individus.

On voit ici l’autotomie confiner à la division reproductrice chez les étoiles de mer ; il en est de même chez les échinodermes ; de même encore chez les céphalopodes qui se débarrassent d’un bras ectocotyle reproducteur. L’autotomie, enfin, devient économique, ainsi que le dit M. Giard, chez les synaptes, les phoronis et d’autres espèces qui, en cas de disette alimentaire ou de difficulté respiratoire, s’allègent et réduisent leur volume, afin d’entretenir, dit-on, avec plus de facilité un corps plus petit.

Il est toujours hasardeux d’envisager les actes des animaux au point de vue finaliste, comme font les naturalistes. Il est facile, mais en même temps chanceux de sonder les intentions de la nature, le but d’un acte, ou d’en apprécier seulement les résultats. Il est plus scientifique et plus sûr d’en rechercher le mécanisme.


A. DASTRE.