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sommes douté qu’il en avait ses raisons, et qu’elles n’étaient pas de souscrire purement et simplement aux conclusions de M. Ernest Martinenche. M. Ernest Martinenche, tout en faisant la part très large, dans l’œuvre de Corneille, à l’influence du théâtre espagnol, l’y avait faite plus large encore au génie de Corneille : nous avons tout de suite conjecturé que, si M. Guillaume Huszär avait écrit son livre, c’était pour faire la part moins large au génie de Corneille, et d’autant plus large à l’influence du théâtre espagnol. Et nous ne nous sommes point trompé ! Mais, bien loin de lui en vouloir, c’est là précisément ce qui fait l’intérêt de son livre. Rien ne saurait être plus instructif pour nous que l’opinion des étrangers sur quelques-uns de nos grands écrivains. « Il est impossible aux critiques français d’être impartiaux, nous dit M. G. Huszär, lorsqu’ils parlent de ce poète de grand talent, sans doute, — c’est Corneille, — mais pour l’appréciation duquel ils ne trouvent pas d’expressions assez élogieuses dans le vocabulaire littéraire. » Voilà donc qui est entendu. Si les étrangers ne sont pas plus « impartiaux » que nous, — et pourquoi le seraient-ils ? — ils sont « partiaux » d’une autre manière. C’est bien le cas de M. G. Huszär. Il est « partial ; » il l’est au delà de tout ce qu’il peut croire ; et s’il ne l’est pas pour les mêmes raisons que « les critiques français, » il l’est pour d’autres, dont je ne voudrais ici retenir que les principales, et d’abord celles qui peut-être intéressent moins la question des rapports du théâtre de Corneille avec le théâtre espagnol que la question même de méthode en « Littérature comparée. « 


I

Par exemple, M. G. Huszär relève quelque part une assertion d’A. de Puibusque, en son livre intitulé Histoire comparée des Littératures espagnole et française, et il ajoute : « Il nous paraît que, dans cette assertion, se manifeste l’habitude des critiques français qui veulent à tout prix démontrer la supériorité des adaptations sur leurs originaux. » Laissons de côté, pour le moment, la question de savoir ce que c’est au juste qu’une « adaptation ! » La vérité est que les « critiques français » n’ont jamais prétendu « démontrer la supériorité des adaptations » en général, sur « leurs originaux, » mais uniquement la « supériorité » d’une adaptation donnée sur un original donné,