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Quelques jours plus tard, la cour est réinstallée à Paulowsky. On y fête le retour de l’Impératrice qui revient de Prusse où elle avait suivi son mari et où elle est restée après lui. « Il me semble par ouï-dire qu’on est enchanté de la reine[1], je ne sais même si elle ne plaît pas plus que l’Impératrice ; vous me direz que cela est difficile. »

Le 30 juillet, nouveau déplacement. La cour est à Péterhoff, séjour préféré de l’Impératrice mère. De récens embellissemens viennent de transformer cette résidence de rêve. Le 7 août, Mme de Liéven les décrit : « Vis-à-vis de la grande fontaine de Samson, en face du palais, on a élevé deux beaux pavillons d’où continue une superbe colonnade coupée au milieu par le chemin. La coupole des pavillons est dorée. En haut, il sort une fontaine qui arrose cette coupole et descend le long des fenêtres à la vénitienne, pratiquées dans ces pavillons. L’effet est de la plus grande beauté. Lorsque vous vous trouvez devant ces pavillons, cela fait absolument l’effet d’une pluie à verse. Sur la terrasse qui descend du palais, on a placé, de distance en distance, des vases en bronze doré de forme antique. Toutes les statues qui sont dans le jardin vont être dorées.

« ... Nous avons deux étrangers dans notre ville depuis environ une semaine. Le premier est l’oncle de l’Impératrice, le prince de Bade, frère de feu son père ; le second, le prince de Glocester, neveu du roi d’Angleterre. Il est arrivé à Péterhoff le jour de la fête ; il y avait mascarade et illumination, le tout fort beau. Ce prince peut avoir vingt-cinq ans ; il, est de la taille de l’Empereur, mais pas si gros ; il a une tournure charmante, un beau visage, l’air très comme il faut. Il s’arrêtera un mois ici. » Comme toutes les lettres que Mme de Liéven écrit à son « cher Alexandre » celle-ci se termine par les expressions les plus affectueuses, les plus tendres ; elles ont même ce jour-là un caractère d’effusion plus accentué : « Bon si vous embrasse bien tendrement. Adieu, mon cher, mon bon ami ; voilà bientôt un demi-an que vous nous avez quittés. Il vous en reste encore cinq fois autant, et puis vous nous serez rendu, j’espère. »

Le surlendemain, elle corrige son premier jugement sur le prince de Glocester. Elle l’a rencontré à un bal donné en son

  1. La belle reine Louise de Prusse qui plus tard, lors des malheurs de sa patrie, révéla tant d’héroïque grandeur d’âme.