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Le 7 juillet, elle est riche d’informations.

« Costa ne m’a pas écrit depuis son départ de Riga. Mais le prince Scherbatoff venant de Vienne Ta rencontré à Vilna. A propos de Scherbatoff, je crois vous avoir dit qu’il était parti pour l’étranger afin de vider son ancienne querelle avec le chevalier de Saxe. Il vient de l’expédier dans l’autre monde. On a employé mille supercheries pour perdre Scherbatoff. D’abord, le chevalier ne voulait pas se battre au pistolet. Mais voyant que Scherbatoff ne voulait pas s’en désister, il a exigé de lui de prendre le pistolet qu’il lui donnerait lui-même. Heureusement, celui-ci l’essaya avant et il se trouva que la balle au lieu d’aller droit donnait trois pas à droite. Il a arrangé le pistolet de son mieux et du premier coup, il perce le chevalier d’outre en outre. Celui-ci s’écrie : Je meurs, et tire encore son coup. Mais la balle n’a fait que friser le chapeau de Scherbatoff. Le chevalier de Saxe est mort sur la place.

« ... Nous avons eu ces jours-ci une aventure d’un autre genre. Vous devez connaître et vous rappeler un certain prince G..., réputé coquin, escroc, qui possède les choses les plus rares, qui a gagné Koutaisoff dans le temps par ses belles pierres. Vous y êtes. Et bien, ce G..., après avoir perdu une somme énorme au jeu, à Moscou, est venu ici où il a continué à jouer et à perdre. Pour faire face à une partie de ses créanciers, il fabrique une fausse lettre de change sur un banquier de Vienne ; je crois qu’il ne s’en est pas tenu à une, tant il y a que voyant l’Empereur et la ville à demi instruits de ses friponneries, il adresse avant-hier une lettre à mon mari, l’enjoignant de remettre l’incluse à l’Empereur. Cette lettre lui annonce le dessein qu’il a pris de finir ses jours, en se noyant ; il prie en même temps l’Empereur de se charger d’un enfant qu’il a. Aussitôt après la réception de la lettre, on envoie dans tous les postes, dans toutes les villes frontières afin de l’arrêter, car il est évident que ce prétendu désespoir n’est qu’une feinte pour éloigner les recherches afin qu’il puisse s’évader. Jusqu’ici, il n’y a point de nouvelles et il y a tout lieu de craindre qu’il n’ait déjà passé la frontière.

« Tous les jours, je fais une promenade à cheval. Vous auriez meilleure opinion de mon courage, si vous pouviez me voir à présent à cheval. Je viens d’en acheter un charmant qu’Egert me dresse et que je pourrai monter d’ici à quelques semaines. En attendant, je me sers des chevaux de la cour. »