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à longs cheveux, tout barbouillés de cendre, s’en vont vite, en agitant des sonnettes, marchent sans rien voir, et, devant eux, chacun, par respect, doit s’écarter. On rencontre des bandes d’Arabes de l’Yemen, dont le Nizam favorise l’infiltration dans son royaume. Et voici un chef de province lointaine, qui fait son entrée au galop de fantasia, l’air sauvage et magnifique, suivi de cavaliers brandissant des lances.

Parfum des encens qui brûlent ; parfum des roses roses, empilées en montagne chez les marchands de parures ; parfum des jasmins blancs, qui débordent des corbeilles trop pleines, tombent comme de la neige sur la poussière de la rue… Qui donc dirait que la famine arrive du côté de l’Ouest, que déjà elle a passé la frontière en montrant ses dents longues ? Et avec quelle eau, dans quels jardins privilégiés, a-t-on fait s’épanouir toutes ces fleurs ?

Vers le coucher du soleil enfin, des personnages des Mille et une Nuits commencent à sortir, des élégans aux yeux cerclés de peinture bleue, à la barbe teinte de vermillon, qui portent des robes de brocart ou de velours chamarré d’or, des colliers de pierreries ou de perles, et qui tiennent sur le poing gauche un oiseau apprivoisé.

« La bienvenue à Son Altesse le Nizam ! » Cela se lit cette fois au couronnement d’un portique tendu de crépon jaune orange, avec des fanfreluches tailladées en crépon jaune citron et jaune soufre, le tout pailleté d’or vert. Et le portique se découpe en avant d’une grande mosquée neigeusement blanche, à pointes et à croissans d’or, où s’engouffrent, à l’heure de la prière du soir, des fidèles en vêtemens blancs, des têtes enroulées de mousseline, qui de loin semblent une très multicolore jonchée de fleurs trop grandes…

Cependant le bruit court qu’il tardera davantage, le Nizam ; il laissera sûrement passer la lune du Ramadan… A la lune prochaine, peut-être reviendra-t-il, ou bien plus tard, Allah seul pourrait dire…


III. — GOLCONDE

Au tournant d’un faubourg d’Hyderabad, on lit cette inscription sur un vieux mur : chemin de Golconde. Et autant il eût valu écrire : chemin des ruines et du silence.