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aborder parce que la mort y est installée, se presseront, se bousculeront les échelons d’infanterie, chacun destiné à pousser l’autre (comme si jamais le mouvement en avant avait été déterminé par une poussée de l’arrière !) et chacun s’arrêtant, paralysé, devant la même ligne fatidique, alors sortez de terre ou tombez du ciel, mais surgissez, les cavaliers ! piétinez le troupeau jusqu’à ce qu’il demande grâce.

Mais quand ces armées, qui sont intelligentes, généreuses, que le moindre succès exalte, se rapprocheront du Boer, quand elles joueront juste et serré de leurs nouvelles armes à feu, n’allez pas vous terrer dans un coin ou vous agiter dans le vide en vous plaignant qu’il n’y a rien à faire pour la cavalerie. Il n’y a rien à faire par la vue, le choc et l’arme blanche ; il y a tout à faire par le cheval et l’arme à feu.

La tactique universellement adoptée jusqu’à ce jour par la cavalerie, n’a pu soutenir l’épreuve de la guerre, faite avec les nouvelles armes à feu employées dans le sens de leur nouvelle puissance. Donnons donc plus d’envergure et d’élasticité à cette tactique que l’évolution de la guerre a prise au dépourvu. Quand nous ne pouvons pas voir avec les yeux, voyons avec le fusil. Quand nous ne pouvons pas attaquer par le choc et l’arme blanche, attaquons par le cheval et l’arme à feu. Voilà la solution. Il n’y en a pas d’autre. En théorie, elle paraît simple ; dans la pratique, il y aura bien des difficultés à surmonter pour la faire entrer dans les mœurs de la cavalerie.

Établir vivement, au moyen de groupes à pied bien placés, largement espacés, une ligne de feu longue, offensive et débordante, soutenue, quand c’est possible, par du canon et de la mitrailleuse, gardée, sur ses flancs et derrière, par des tireurs et des réserves à cheval, voilà ce que doit faire aujourd’hui notre cavalerie, toutes les fois que ses yeux, sa puissance de choc et ses armes blanches lui refusent le service.

Qu’il s’agisse d’exploration, de couverture, de bataille ou de poursuite, l’arme à feu s’offre au moment où l’arme blanche se dérobe ; et la tactique de feu, très simple, consiste à se servir des chevaux pour égrener vivement un chapelet de groupes à pied. La longueur de la ligne, sa densité, les intervalles séparant ses groupes varieront à chaque cas : ce qui ne variera pas d’un bout à l’autre de la ligne, c’est l’idée de l’en avant.

Il y a un abîme entre cette tactique de feu, si simple soit-elle,