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La guerre Sud-Africaine vient encore de confirmer ce fait que l’emploi du feu par la cavalerie s’impose et doit se généraliser de plus en plus. Sous la pression des événemens, les Anglais n’ont pas tardé à se défaire des lances et des carabines pour prendre le fusil d’infanterie. Depuis 1901, leur cavalerie a dû renoncer aux charges et n’a combattu qu’à pied.

Quant aux Boers, ils ont montré ce que doivent être des corps de vrais dragons, s’éclairant et se couvrant au moyen d’éclaireurs spéciaux.

La loi de décroissance des effets de la cavalerie, en tant qu’arme de choc, est donc établie d’une manière indiscutable.

Aussi ses effectifs diminuent-ils successivement.

Quelques chiffres permettent de s’en rendre compte.

Pour un bataillon d’environ 650 hommes, il y a en 1648 (Condé), 3 esc. 55 ; 1678 (Créqui), 4,65 ; 1691 (Luxembourg), 4,58 ; 1709 (Villars), 2,00 ; 1745 (maréchal de Saxe), 1,72 ; 1805 (Napoléon), 1,03 ; 1812 (id.), 0,80 ; 1859 (Napoléon III), 0,40 ; 1866 (Guillaume II) 0,88 ; 1870 (id.), 0,80 ; 1870 (Napoléon III), 0,72.

Le perfectionnement des armes à feu accentue chaque jour ce changement. En revanche, lorsqu’elle sait utiliser ses carabines, la cavalerie prend une force redoutable et particulièrement dangereuse pour les lignes de communication.

Sa mobilité en fit toujours l’arme des surprises. Elle en fait maintenant larme des destructions soudaines de matériel, des désorganisations et des paniques, vu l’effet démoralisant et presque instantané des armes à répétition, des mitrailleuses et des canons à tir rapide.

Elle n’est plus, comme au XVIIe siècle, l’âme souveraine de la bataille, mais elle aura souvent dans les mains le sort d’une campagne, si elle sait renoncer aux erremens actuels et comprendre que l’esprit cavalier ne consiste pas dans le mépris du combat à pied.

L’idolâtrie du cheval a depuis longtemps dévoyé son jugement. Les cavaliers de Sheridan ne connaissaient pas les airs de manège. Ils n’en ont pas moins fait capituler l’armée de Lee.

L’esprit cavalier, c’est l’esprit d’entreprise, l’audace, la témérité même, appuyés sur la décision et le sang-froid. C’est la volonté toujours tendue à saisir l’occasion et à en profiter ; c’est la poursuite du but jusqu’à l’épuisement complet des forces