Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec de grandes pertes la brigade de cuirassiers Michel, qui se jetait sur le village de Morsbronn, et cette cavalerie ne fut pas en état d’arrêter un temps appréciable l’infanterie allemande. »

Dans son Historique de la guerre, le grand état-major prussien admet que, grâce au sacrifice des cuirassiers, notre infanterie, à l’extrême droite, put se replier sur Eberbaeh, sans être inquiétée. Dans tous les cas, il eût été facile avec quelques carabines d’obtenir un aussi maigre résultat d’une façon moins sanglante. Mais on pouvait faire mieux.

Un peu plus tard, à trois heures, à l’autre aile, Elsasshausen nous est enlevé. On fait encore appel à la cavalerie pour rétablir le combat. Les quatre régimens de cuirassiers (1er, 2e, 3e et 4e) de la division Bonnemains sont lancés à l’attaque. Le terrain n’est pas meilleur qu’à Morsbronn et n’est pas mieux reconnu. L’entreprise est aussi folle. Le résultat est le même.

Bien plus, cette dernière charge favorisa l’offensive allemande, car elle fit cesser le feu de mousqueterie et de mitrailleuses dont était criblée une colonne d’infanterie prussienne qui venait d’échouer dans son attaque. Celle-ci put alors se ressaisir et accueillir à son tour nos cuirassiers par un feu meurtrier.

Néanmoins, en admettant même que les deux charges des cuirassiers aient permis à l’armée du maréchal de Mac-Mahon d’opérer sa retraite, elles n’en demeurent pas moins de coupables folies.

Qu’on se représente au contraire l’effet de surprise qu’auraient pu produire ces 3 000 cavaliers, si, au lieu de se jeter éperdument à travers toutes sortes d’obstacles contre une infanterie bien protégée par le terrain, ils avaient, grâce à la vitesse de leurs chevaux, gagné rapidement les flancs et même les derrières de l’assaillant. La brigade Michel en tournant Morsbronn, au sud par Hegeney, la division Bonnemains en se glissant par les bois au nord vers Frœschviller, ne pouvaient-elles gagner une position d’où elles auraient ouvert un feu violent sur l’infanterie allemande ? Quel n’eût pas été le résultat d’une pareille manœuvre. Mais au lieu de cuirassiers, il eût fallu des dragons ou de la cavalerie légère et surtout une cavalerie exercée au combat à pied.

Le 16 août fut la journée des grandes chevauchées. La première fut la charge de nos cuirassiers de la garde, exécutée à midi et demie, vers Flavigny, contre la 10e brigade d’infanterie