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droit, pour la prendre ainsi entre deux feux. Le 6e corps prussien aurait en même temps attaqué la tête. Mais il aurait fallu une cavalerie sachant manier aussi bien le fusil et le canon que le sabre. Et cette cavalerie n’existe pas encore.

Malgré le champ libre qui lui fut laissé, la cavalerie allemande n’a pas voulu tenter des raids, comme ceux des Américains dans la guerre de Sécession.

Le grand état-major prussien « n’ose faire avancer les divisions de cavalerie seules au cœur du pays, par crainte des francs-tireurs. Le général von der Thann, établi à Orléans, ne permet pas de pousser plus loin que la forêt de Blois à l’ouest, que Salbris sur la Sauldre au sud. Il ne croit pas possible d’exécuter un coup de main sur Bourges, où pourtant on eût détruit les ateliers qui permettaient à l’ennemi d’équiper les corps nouveaux qu’il formait. » (Hohenlohe.)

Cependant, pas un instant notre cavalerie ne gêne l’adversaire. Depuis le premier jour de la campagne jusqu’à la fin, elle ne se détache pas de l’infanterie et continue à se réserver pour la charge dans la bataille. Quand elle y parut, elle n’y fut guère heureuse !

L’étude du rôle tactique joué par les cavaleries des deux partis montre que les Allemands n’ont fait charger leur cavalerie en masse que dans une seule journée, le 16 août, à Mars-la-Tour, tandis que nous avons employé la nôtre trois fois : à Reichshoffen, à Mars-la-Tour et à Sedan.

Le 6 août (bataille de Reichshoffen), vers une heure de l’après-midi, le 11e corps allemand venait de s’emparer de Morsbronn, après une lutte violente : la 4e division d’infanterie qui formait notre aile droite était débordée et se trouvait ainsi très compromise. Le général de Lartigue, commandant cette division, demande alors au général Michel de lancer dans le flanc de l’assaillant un de ses régimens de cuirassiers. Sans se faire éclairer, la brigade part aussitôt tout entière (8e et 9e cuirassiers), suivie de deux escadrons du 6e lanciers. Le terrain de l’attaque était coupé de vignes, de houblonnières, d’arbres abattus, de fossés nombreux et profonds, qui formaient des obstacles pour les cavaliers et des abris pour les Allemands. Ceux-ci pouvaient sans danger fusiller nos cuirassiers. Ce fut une folie, un massacre aussi inutile que cruel.

Quelques compagnies (disent les Allemands) « repoussèrent