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jusqu’au bout. Le fait même que la question des rebelles du Cap a été résolue sous une autre forme, et qu’elle a paru abandonnée à l’initiative du gouvernement de la colonie, montre par opposition qu’il a fallu négocier avec les Boers : les négociations ont même été très longues, et le résultat en est resté longtemps incertain. Le gouvernement anglais parle de reddition, ce qui est jouer sur les mots. Il y en a eu une, en effet ; mais il y a eu aussi autre chose, et il suffit pour s’en convaincre de relire les noms des négociateurs qui ont signé le traité pour les deux républiques. Les uns sont des militaires, mais les autres sont les représentans de l’autorité civile et politique. Si la guerre avait duré jusqu’à l’épuisement complet de leurs forces, les chefs boers auraient peut-être été obligés de se rendre à discrétion. Les choses ne se sont pas passées ainsi, et dès lors il y a quelque chose d’un peu puéril à englober, dans le mot de reddition, ou de capitulation, des opérations de genres complexes et divers.

Toutefois, si les infortunés Boers ont conservé et exercé leur indépendance jusqu’au dernier moment, il faut convenir qu’ils y ont renoncé en reconnaissant le roi Édouard VII pour leur souverain de droit. La formule employée ne laisse place à aucune équivoque. Les deux républiques deviennent des colonies anglaises, et il ne reste rien de leur situation antérieure. Sur un point auquel il attachait tant d’importance, le gouvernement anglais a obtenu gain de cause : il y a eu soumission absolue. Mais non pas sans conditions : l’autonomie a été promise aux Boers. L’époque, il est vrai, en est restée indéterminée. On marchera vers l’autonomie par étapes successives, avec promesse de l’atteindre un jour. Quand ? Le plus tôt possible, dit le traité ; par malheur le gouvernement britannique est le seul juge de cette opportunité, et il restera peut-être longtemps sans la reconnaître. Il aurait toutefois intérêt à le faire en effet le plus tôt possible, et, s’il est vrai, comme les dépêches du Cap le rapportent en ce moment, que la soumission se fasse partout avec facilité, que les Boers ne gardent aucune arrière-pensée de résistance ultérieure, enfin qu’ils promettent d’être aussi fidèles au nouveau régime qu’ils l’ont été à l’ancien, il serait d’une habile politique de reconnaître leurs bonnes dispositions en leur montrant une confiance à laquelle ils seraient certainement très sensibles. L’Angleterre ne devrait avoir aujourd’hui d’autre préoccupation que d’effacer les souvenirs de la guerre. Quand nous disons que la nationalité boer périt tout entière, nous entendons par là qu’elle périt politiquement ; mais elle subsiste et subsistera longtemps, sinon même toujours, dans le cœur d’une race qui a montré une ténacité