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collines du Boulonnais, trois fleuves, la Somme, l’Authie et la Canche, coulent parallèlement de l’Est à l’Ouest, dans des fosses assez profondes, qui s’élargissent seulement aux approches de leur embouchure.

Comparées à la Somme, l’Authie et la Canche ne sont que des cours d’eau très secondaires ; et les géographes des premiers siècles ne les ont même pas mentionnées. La Somme seule nous a laissé son nom ; elle paraît même en avoir eu deux. On l’appelait tantôt la Samara, tantôt le Phrudis ou le Phruris. Le nom de Samara n’apparaît à la vérité dans les textes classiques qu’en composition avec celui de la capitale des Ambiani où se trouvait le premier et probablement le principal passage sur la Somme, un pont peut-être, ainsi que le désigne le suffixe briva ou briga, pont, gué, passage — Samara-briva ou Samara-briga. C’est l’ancien nom d’Amiens, donné par l’Itinéraire d’Antonin, la Table de Peutinger et le Militaire de Tongres. Le mot s’est un peu altéré ; il est devenu successivement Somara, Sumana, Somna ; et dans un synode, tenu à Soissons en 1682, on trouve mentionnées avec éloge les anguilles de la Somme, de anguillis somnensibus[1].

Le nom de Phrudis ou Phruris ne se trouve que dans Ptolémée et dans Marcien d’Héraclée, qui n’a été le plus souvent que son reproducteur presque fidèle. Les divers manuscrits diffèrent un peu ; et la dénomination de Phruris, la plus exacte peut-être, a conduit à penser que ce nom devait s’appliquer à une forteresse ou à un camp militaire établi à l’embouchure même du fleuve plutôt qu’au fleuve lui-même : — Φρούριον (Phrourion), lieu de garnison, poste militaire, château fortifié. Quoi qu’il en soit, le fleuve était très bien connu à l’époque romaine et avait très certainement une importance maritime bien supérieure à celle qu’il a de nos jours.

On a dit quelquefois qu’au moment de la conquête, les bateaux de mer pouvaient remonter la Somme jusqu’à Amiens. Cela n’a rien d’impossible. Il n’existe peut-être pas de vallée qui se soit plus rétrécie depuis quelques siècles, et où l’on trouve en plus grande quantité et sur une plus forte épaisseur des dépôts de toute nature laissés par les eaux. Le couloir du fleuve était, il y a vingt ou trente siècles seulement, beaucoup plus large,

  1. Cf. Valois, Notitia Gulliæ et E. Desjardins, Gaule Romaine, t. I, ch. I, § 2.